Il suffit de quelques notes qui s’échappent de la radio pour que notre cœur batte un peu plus fort.
C’est elle !
Oui, elle, cette chanson qu’on adore et qui fait partie de notre vie…
Voici les ritournelles de Michèle, Isabelle, Lise et Alain…
Photo : Rahul Pandit
(Michèle)
Quelle est ma chanson fétiche ?
A cette question, j’ai ressenti une émotion particulière mais aussi une grande impossibilité à vraiment me positionner sur un choix. Je suis une grande sentimentale. La musique sur les mots, quand c’est bien fait, accompagne quelque chose d’indéfinissable qui arrondit le cœur. Mais quelquefois, le texte arrive avant la musique et la dimension d’une simple chanson peut conquérir le monde.
Si, je vous raconte cela, c’est que je viens à l’instant de cerner ma chanson, celle qui est enfouie au fond de moi, comme un beau cristal.
Je l’ai entendue la première fois quand j’étais chez mon oncle et ma tante de Montmorency.
Mon oncle avait la réputation dans la famille d’avoir une belle voix. Le soir après le dîner, assise sur ses genoux, sa voix s’élevait puissante dans la salle à manger. J’étais comme un petit oiseau blotti dans ses bras. Ma tante me tenait la main. Souvent elle se tamponnait les yeux.
Je représentais beaucoup pour eux. Il n’avait pas d’enfant. Leur affection, leur tendresse, me rassuraient en attendant de rentrer à nouveau chez moi, chez mes parents. A quatre ans, la séparation avait été très difficile, car trop brutale. Maman était à l’hôpital.
A force d’entendre tous les soirs cette chanson qui me réconfortait mais qui me faisait mal, me rappelant la douceur et la joie de ma mère, j’ai fini par oser chanter avec mon oncle et ma tante ce petit couplet :
« Quand tu me prends dans tes bras
tu me parles tout bas
je vois la vie en rose...»
C’est tout ce que je pouvais fredonner. C’est tout ce que je voulais entendre. C’était comme un secret pour moi partagé avec mon oncle et ma tante.
Cette chanson d’Edith Piaf, La Vie en rose, a pris au fil des années une place dans ma vie comme une évidence, comme le remède à tous mes chagrins.
Sans m’en rendre compte. Je me confie à cette chanson comme un journal intime pour me rappeler que quoiqu’il arrive, je peux, je dois voir la vie en rose, puisque quelqu’un me prendra toujours dans ses bras.
(Isabelle)
« Encore un matin, un matin pour rien,
Une argile au creux de tes mains,
Encore un matin, sans raison ni fin,
Si rien ne trace son chemin…
Matin pour donner, ou bien
Matin pour prendre,
Pour oublier ou pour apprendre
Matin pour aimer, maudire ou mépriser,
Laisser tomber ou résister… »
J.-J. Goldman
Beaucoup de chansons accompagnent nos vies, mais celle-ci m’évoque, plus qu’une autre, les instants précieux de l’enfance en même temps qu’elle laisse entrevoir un futur prometteur. Elle verbalise parfaitement ce moment si particulier d’un jour naissant, où tout est à recommencer, où le meilleur est à venir et qu’il ne dépend que de moi.
C’est aux côtés de mon père que j’ai découvert la saveur des petits matins silencieux au cours desquels ces heures bleues nous appartenaient, nous laissant imaginer les promesses de celles à venir.
Comme lui, je me suis toujours levée tôt. Dès potron-minet, je le rejoignais dans la cuisine à pas de loup pour ne pas réveiller ma mère. Il était là, devant son café, à lire son journal. Le dimanche, il étudiait le tiercé avant d’enfiler sa tenue de travail. Dès qu’il me voyait apparaître, il m’accueillait d’un jovial « Ah ! Voilà ma courageuse ! ». Ces quelques mots me montraient combien il était heureux de partager avec moi ces premières heures du jour. C’étaient nos instants privilégiés, sans doute les seuls de la journée, pendant lesquels, à voix basse, nous nous chuchotions des tas de choses.
Tandis qu’il préparait mon petit déjeuner, il me détaillait le programme chargé de sa journée avant de conclure ainsi : « Ma fille, puisque l’avenir appartient à ceux qui, comme toi, savent se lever tôt, dis-moi ce que tu comptes faire de ta journée ? »
Je réfléchissais et m’inventais des tas de bricoles à accomplir. Je sentais que c’était ce qu’il attendait. Il aurait détesté m’entendre dire que je n’avais pas d’envie ou ne savais que faire… Lorsque j’étais à court d’idées, je l’accompagnais dehors « pour lui donner un coup de main ». Il me transmettait alors le goût du travail manuel et de l’effort. J’apprenais près de lui, la ténacité et la satisfaction d’un travail bien fait.
Ainsi, grâce à lui, la paresse n’a jamais fait partie de mon vocabulaire. Je suis devenue une femme pressée et exigeante envers ces jours qui nous glissent entre les mains. Depuis cette époque lointaine, c’est toujours devant mon bol fumant, entre l’aube et l’aurore, que s’organise ma journée, que les décisions importantes sont prises ou que je vis mes rêves éveillés. Certains jours, lorsque je peine à « décoller », c’est encore « ma » chanson qui me parle pour retrouver mes envies et mon élan. C’est grâce à elle que je chéris chacun de ces petits matins, les bons comme les mauvais, les anciens comme les prochains…
(Lise)
Février 2002. Ce matin-là, ma mère et moi partons dans les Alpes.
Une semaine à la montagne rien que nous 2. J’ai 17 ans, je suis en première année de prépa. J’ai la vie classique d’un étudiant de prépa : une vie étriquée. Je vis la tête entre les bouquins d’histoire, de maths et de philosophie sans trop savoir où cela me mène. Mes journées sont longues, denses, stressantes. Je suis fatiguée, inquiète, mes efforts ne payent pas comme je le voudrais. Mon estime de moi est mise à mal. Je sors peu, je ne fais plus de sport, je ne passe pas autant de temps que nécessaire avec mes proches.
Je ne me souviens pas bien des détails, mais j’imagine que ce départ pour le grand air n’est pas étranger à mon état du moment.
Nous montons en voiture, je sors de mon sac le seul CD que j’ai emporté. Je l’insère dans le lecteur et la magie opère : Toum tidi toum tim toum tidi toum tim… les premières notes de « Telling Stories » annoncent la voix chaude et rassurante de Tracy Chapman, qui m’accompagne au quotidien depuis des mois.
Tant que Tracy est là, tout va bien. Ma mère ne connaît pas, je lui fredonne les quelques autres chansons les plus connues de son répertoire « Talking about revolution », « Baby can I hold you », « The Promise », « Give me one reason » et lui parle de ma passion pour tout son répertoire. Cette découverte lui plaît. Nous écoutons l’album en boucle, pendant tout le trajet.
A l’époque, nous n’avons pas de GPS et mes compétences de copilotes sont… médiocres ! Non, pas médiocres : nulles ! Mais avec un pilote comme Maman, être un mauvais copilote n’est pas un problème, car elle a un don pour s’amuser de situations dont le commun des mortels s’agacerait. Mettre 9h pour faire 600km, où est le problème ? Je garde un souvenir ému de notre visite de Grignon, petit village de Savoie en périphérie d’Albertville, dans lequel nous tournons en rond un bon moment, et nous vaut un fou rire mémorable. Nous rions tellement, il me semble entendre Tracy Chapman rire elle aussi.
Ce trajet vers les Saisies est à l’image de notre séjour sur place. J’en garde un souvenir joyeux. Je me souviens d’avoir beaucoup ri et d’avoir beaucoup écouté Tracy Chapman. Toum tidi toum tim toum tidi toum tim…
Aujourd’hui encore quand j’entends ces notes, je pense à ces quelques jours ensemble, qui m’ont donné le courage de poursuivre sur le chemin exigent de mes études et je ne le regrette pas.
(Alain)
Je n’ai pas de chanson fétiche, « doudou ». J’apprécie de nombreuses chansons, quelques-unes sont en tête de monhitparade, entre autres celles de Barbara, Véronique Sanson, Juliette Gréco ou Marie-Paule Belle. Côté hommes, bien sûr le triumvirat Brassens/Brel/Ferré et aussi Ferrat, Aznavour, Bécaud, Trenet (la Mer !)…
Puisqu’il faut faire un choix ce sera « Avec le temps » de Léo Ferré. J’étais à son concert, en 1969, à Nantes. Dans une salle, pas sur une vraie « scène ». Celle du Champ de Mars, utilisée comme salle de basket pour l’ABC le week-end. J’y ai même vu fin des années cinquante, au moins deux fois Holiday on Ice…
Il avait comme seul accompagnement musical un pianiste et un magnétophone… C’était après un an de purgatoire. Suite à Mai 68, il avait été plus ou moins interdit de scène.
J’ai découvert cette chanson sur le seul trente-trois tours que j’avais avec moi pendant mon service militaire à Dakar en 1971. Le seul endroit pour l’écouter était l’aumônerie, équipée d’un tourne disque. J’étais copain avec deux séminaristes effectuant leur service. Grâce à eux j’avais accès à ce local.
Sur ce même disque, l’autre chanson la plus connue était « C’est extra » !
« Avec le temps » a été interprété par de nombreux chanteurs. Une de mes versions préférées après celle de Ferré, est celle de Philippe Léotard, acteur ayant eu ses heures de gloire pendant le dernier tiers du siècle dernier.
Je suis d’accord avec le texte de cette chanson, sauf avec la fin et surtout la dernière ligne : « Avec le temps on n’aime plus » …