C’est la délicieuse Marie qui m’a fait découvrir Françoise Louise Demorgny.
« Tu ne la connais pas ?! Il FAUT que tu lises Rouilles, absolument. »
Et pour faciliter la rencontre, Marie m’a offert les trois petits livres de cette auteure (encore) méconnue.
Oui, il fallait que je lise Rouilles, que je goûte à mon tour à cet éblouissement !
Mais je dois admettre qu’il est difficile d’en parler, d’évoquer ou de tenter de décrire toute la délicatesse de cette écriture : on a l’impression qu’on pourrait l’égratigner d’un coup de mauvaise plume.
Pourtant, les rouilles de Françoise Louise Demorgny en ont vu d’autres. Persistantes – mais pas indélébiles –, elles sont les traces laissées par les vivants qui ont peuplé ses Ardennes natales.
Elle vient d’un pays de fer, de fonte.
De pluie.
De rouille.
À travers les vestiges et les empreintes, la narratrice, « la louise », rappelle à elle les différents âges de sa vie, les existences croisées et disparues sous la rouille « têtue et patiente ».
Le souvenir émerge, oxydé et sensible.
Un hommage au territoire de son enfance donc, où se promène çà et là Arthur Rimbaud, parmi d’autres.
Une évocation captivante d’un passé presque éteint sous sa teinte roussie, mais qui bat fort dans le cœur de la louise.
La mode est à la rouille faite exprès à la va-vite.
On oxyde sur demande en un clin d’œil et dès l’effet obtenu, on stoppe le processus.
On fixe la rouille, on la fige et « ça ne bougera plus ».
On n’attrape pas la louise à ce leurre-là. Ses rouilles sont de purs produits du temps, elles n’ont pas de frein et vont fièrement à la catastrophe, la dislocation ultime, poussées par leur histoire. Ainsi de toute chair.
Enfin, il faut parler de la langue…
Elle balance doucement entre une prose simple et précise, accrochant les détails les plus infimes du paysage, tel ce fameux « bitoniau » qui bloque les volets. Puis la voici qui déploie des ailes translucides pour s’élever vers une poésie saisissante.
Ce qui, de nous, doit vivre,
qu’aucune peau ne protège,
qui n’a même pas de chair pour en mourir,
non, ce n’est pas l’âme,
si incertaine, c’est la trace.
Merci Marie, puisque oui, il FAUT lire Françoise Louise Demorgny !