Continuons à nous promener !
Découvrez les textes de Lise, Catherine L, Joëlle et Catherine D.
On respire à fond… et on avance.
Photo : Yogendra Singh
Un plaisir découvert sur le tard (Lise)
J’ai découvert le plaisir de la balade sur le tard…
Je n’ai pour ainsi dire pas de souvenir de balade enfant. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai grandi à Paris, ou tout simplement en ville ou si c’est propre à ma famille. Je me souviens avoir marché, beaucoup, mais la marche consistait à aller d’un point A à un point B, pour aller faire quelque chose. Pas de promenade, pas de balade, pas de marche pour se détendre… pourtant mes deux parents marchaient et marchent toujours beaucoup. Mon père sur un terrain de golf, escorté par son caddie, environ 8h par week-end, et ma mère, qui a toujours préféré ses semelles à n’importe quel autre moyen de transport, lorsque le temps et la météo le lui permettent.
Ce n’est donc que plus tard que j’ai découvert la balade, ses joies et ses vertus.
D’abord celle qui n’a d’intérêt que d’être ensemble, peu importe où ; puis celle dans le passé de l’autre, qui invite à mettre des images sur des souvenirs si souvent entendus qu’on pourrait les raconter soi-même ; ou encore celle qui, à l’autre bout du monde a soif de découverte ; et même celle entre amis que la conscience nous dicte pour reprendre notre souffle et nos esprits entre deux repas.
J’ai appris à en aimer la lenteur, les silences qu’on ne s’autoriserait pas si on était statiques, les rebonds qu’on fait chacun dans sa tête, les changements de sujets de conversation et même d’interlocuteur…
Certaines balades ont été le lieu de discussions clefs et moments charnières dans ma vie de jeune adulte. Je garde en mémoire des traversées de Paris au mois d’août, les bords de l’Erdre à Nantes, les falaises au nord de La Rochelle en pleine tempête, les hauteurs de Barcelone en automne, la Bretagne nord sous une pluie battante, une plage du Cap Ferret dont le sol s’échappait sous mes pieds…
Avec l’arrivée des enfants, la balade a pris encore une autre dimension. Plus régulière, elle est devenue une soupape de décompression, la respiration que s’offrent les adultes, tout en donnant de l’espace aux enfants.
Chaque moment en famille est aujourd’hui l’occasion d’une balade. Ici ou ailleurs, que le soleil brille ou non, qu’on parte 15 minutes ou toute la journée, petits et grands (plus ou moins motivés au départ il faut l’avouer), profitent du cadre à leur rythme. A pieds, en poussette, trottinette, draisienne ou vélo… loin des contrariétés d’adultes, des écrans et des caprices : on y observe la nature, on y cueille des fleurs, on s’y invente son monde, on y fait des découvertes, on y console des bobos, on y porte les plus jeunes, on y joue, on y rit, on en rapporte des trésors éphémères, et parfois quelques photos, souvenirs de moments simples qui font la richesse de la vie de famille.
En cette période si particulière de confinement : la balade est devenue notre Aventure, et le kilomètre autorisé notre Horizon. L’essentiel est là.
Balade à deux (Catherine L)
La nuit quitte son manteau obscur.
Une à une les étoiles retirent leur parure dorée.
Le froid dévore la rosée du matin.
Dans l’obscurité je cherche ta main.
J’enfile mon vieux pull aux manches usées.
Tu me souris le regard amusé.
Demain, après-demain, ensemble sur le chemin.
Tu cours sur le sable tel un gamin.
L’odeur des pins me ramène à l’enfance.
Le miel coulait en abondance.
Je ne suis qu’insouciance.
Le soleil tire sa révérence.
La nuit se couvre de cachemire.
Efface les derniers souvenirs.
Il est temps d’aller dormir
Contre toi je me blottis.
Ma balade préférée (Joëlle)
Ma balade préférée me conduit à la plage les jours de grand soleil.
Je quitte la maison, basquettes aux pieds, la clef du portail dans ma poche.
Rien dans les oreilles, je veux écouter tous les bruits.
Tout d’abord je longe le jardin marocain, trop souvent fermé.
Bien cachés j’aperçois les Aloès géants et les figuiers puis je traverse la voie ferrée, les petites portes en fer claquent à mon passage : clack ! clack !
Désagréable, je plains le gardien qui habite à côté…
Je longe la piste d’athlétisme et j’observe les adolescents qui courent et s’essoufflent, vêtus d’un simple tee shirt, alors que je suis encore couverte comme un oignon !
Me voilà dans le parc ! Là j’ai souvent une pensée pour mademoiselle Adèle Charruyier, fille d’un armateur qui en 1881 a légué sa fortune à la ville afin que ces terrains soient achetés et préservés.
Quelle belle idée écologique pour l’époque !
Je suis partie pour 6000 pas à travers les pelouses, les bosquets, les jeux d’enfants, les promeneurs et leurs chiens.
Il y a toujours du mouvement, des oies décident de quitter le parc animalier pour s’offrir une balade de l’autre côté de la route, un écureuil joue à chat perché dans les pins…
Me voilà à la plage, je m’accorde un peu de repos, sur un banc, face à la mer.
La mer est basse, souvent, toujours ! Je change de jours mais rien n’y fait elle est désespérément partie. Ce n’est pas grave, c’est beau quand même ! Je vois au loin des gros cargos.
Le soleil m’attaque, je plisse les yeux, j’enlève mon pull.
Je repars cette fois par le parc animalier, guidée par l’odeur des boucs et des jeunes chevreaux, je passe un petit pont, l’eau coule, c’est romantique… La végétation change à chaque sortie, je me régale, j’adore les plantes, les fleurs, les arbres…
6400 pas, ouf ! je suis devant le portail, contente, un peu maussade toutefois, car cette balade c’était aussi celle de mon chien Elyott, un cavalier King Charles tricolore, gentil, beau, adorable, c’est ainsi, c’est la vie ! Je ne veux pas être triste, on s’est beaucoup promenés ensemble ces dernières années.
La balade du mardi 24 mars 2020 (Catherine D.)
Ce matin, dès 9 heures, je décide de rompre ce confinement un peu étouffant et je pars me balader ; pas trop loin, pas trop longtemps, promis !
Je descends la rue de l’école du Chemin des Amours (quel nom magnifique pour une école !), et je décide de bifurquer par la grotte plutôt que de risquer de me mouiller les pieds par le chemin enherbé. Au loin, juste un bruit lancinant de tronçonneuse : M. Barthélémy doit faire du nettoyage dans son parc.
La grotte n’a pas changé ; elle se veut une réplique de la grotte de Lourdes mais la copie s’avère toujours aussi kitch ! La Sainte Vierge me regarde du haut de son perchoir et un beau camélia perd ses fleurs en créant un magnifique tapis rose.
Pas de voiture, pas de marcheur : je suis seule !
Arrivée au plan d’eau, quelle merveille des sens. Le soleil joue déjà à cache-cache dans le feuillage naissant des arbres et crée des ombres agitées sur le chemin. Les canards se pourchassent, jacassent et finissent par s’envoler en rasant la surface de l’eau. Les odeurs de vase et de printemps se mélangent et titillent mes narines pas assez réveillées.
Au loin, tiens ! Un marcheur promène ses quatre chiens. Bigre, quelle drôle d’idée d’en avoir
autant ! Je me surprends à penser qu’il promène peut-être les chiens de ses voisins… qui sont vieux ou malades… ou peut-être les deux par les temps qui courent. Le voilà qui s’énerve après un des chiens et le rabroue sans ménagement. Pauvre bête !
Je poursuis ma balade vers le bout de l’étang où sont accueillis des animaux en pâture et où la nature est moins aménagée par l’homme. Les arbres regorgent de pépiements d’oiseaux dont je ne connais pas les noms. Il faudrait un jour que j’apprenne à les reconnaître, je pourrais ainsi mieux les visualiser.
Un concert de sons secs et rauques me parvient soudain, mais il me faut plusieurs secondes avant que j’en déduise la provenance. Ce sont des coassements de grenouilles ! Une véritable symphonie … cacophonique. Je m’arrête un moment devant la mare pour observer leur petit manège : Elles sont nombreuses et se suivent deux par deux en sautant de feuille en feuille. Je les imagine en pleine parade amoureuse et les trouve rigolotes dans leur façon de se draguer. Il m’arrive souvent, en pensée, de calquer les comportements humains à ceux des animaux ; ça donne des images… très cocasses qui me font sourire.
Je poursuis mes pas vers la clairière traversée dans le ciel par le vol de plusieurs canards qui se dirigent vers l’étang. Sur la route qui longe le site, les voitures ont repris leur défilé tranquille.
Je rentre chez moi en traversant le bourg qui commence à s’animer de quelques passants venant chercher leur pain. On se croise de loin en se lançant un petit bonjour. Quelle drôle d’attitude ont les humains depuis une semaine!
Pour une fois, la nature n’en a que faire de cette affaire d’homme.