« Objet inanimé, avez-vous donc une âme… ? »
Il faut croire que oui puisque soudain, ils nous observent, nous jugent, nous parlent !
Ici, Françoise, Michèle et Joëlle offrent une voix à leurs objets magiques…
Photo : Min An
(Françoise)
Tiens ! Elle ne s’est pas arrêtée ce matin, pas envie ? mal dormi ? très bien dormi ?
En ce moment c’est vraiment n’importe quand et n’importe quoi !!!
Il fut un temps où chaque matin et chaque soir elle venait à ma rencontre, s’allongeait et écoutait « la petite musique qui vient de l’intérieur ».
Et alors, va-z-y que je m’étire que je baille que je bouge dans tous les sens, ça dure un petit moment et après quelques temps ça s’arrête ! … Plus rien ! Nada !
C’est le repos après l’effort : la détente.
Mais depuis quelques temps, le rythme a changé.
C’est un peu n’importe quand dans la journée, matin après-midi ou soir : elle entre, met une petite musique extérieure et s’allonge… pour commencer son voyage intérieur.
Moi je suis là depuis des décennies, je l’ai suivie et accompagnée dans tous ses déplacements.
Elle m’a acheté pour quelques sous dans un Ikéa (car pur coton et fabriqué en Inde) et malgré toutes ces années et les lavages ponctuels …
« Noooon, je n’ai paaaaas changééééé »
Chèr-e-s cocon-finés,
Je vous présente mon tapis de yoga qui me suit depuis mes tout débuts, avec sa/ma couverture et Zafu le coussin.
Le tapis n’a pas de nom alors si vous avez des suggestions… ?
C’est mon compagnon de voyage indispensable, avec un livre.
Françoise
Voltaire et moi
(Michèle)
En vacances, ma mère avait institué un rituel quand il faisait trop chaud, c’était de faire la sieste.
Je m’installais confortablement dans ma chambre, volets mi-clos. À quinze heures, invariablement, ma mère venait me chercher pour me servir un léger petit goûter avec de la citronnade faite maison avec de la limonade. Puis, c’était la lecture. Nous nous installions, ma mère et moi, de nouveau dans ma chambre à l’atmosphère si particulière avec ses meubles anciens et photos de famille. Cet endroit était idéal par la fraîcheur qu’elle restituait.
J’adorais ce moment de lecture.
Je m’asseyais dans le voltaire et ma mère prenait le livre « Les Vrilles de la vigne » de Colette et lisait à voix haute. Toujours un chapitre, pas plus. C’était délicieux d’écouter dans ce grand siège, un peu austère. Il n’y avait que moi qui avait le privilège de m’asseoir dans ce fauteuil comme bon me semblait et j’en étais fière. Je me l’était accaparé. Ma mère veillait à ce que personne ne vienne dans ma chambre. C’était mon coin pour rêver, écrire ou dessiner et même faire des tableaux de fleurs séchées après mes balades dans la montagne.
Ce fauteuil avait aussi une histoire, car il était arrivé dans cette maison avec ma grand-mère de Toulon. Aux yeux des habitants du hameau, avec tous ces meubles authentiques, elle était considérée comme de la « haute société », et encore plus avec le train de vie qu’elle affichait dans ses vêtements luxueux de la ville.
C’est vrai, que même des années plus tard, ma mère accentuait encore cette différence ostentatoire de revenus et de bien-être aux yeux de ces agriculteurs. Vous imaginez bien que notre maison était la seule à posséder ce voltaire.
D’ailleurs, je l’appelais mon copain Voltaire !
Il était mon confident de jeune fille pour m’aider à tenir mon journal intime. Les meilleurs retrouvailles pour moi, c’était le soir, avant de me coucher.
Souvent, il m’arrivait de lui faire un brin de causette, assise en tailleur sur mon lit Louis Philippe…
– Dis donc Voltaire, tu es à l’aise ici ?
– Mademoiselle me cherche…
– Faut dire que c’est assez drôle que tu sois ici.
– Et pourquoi donc, jeune impudente ?
– Parce que ton ennemi a vécu pas si loin de toi…
– Oui mais il n’est pas resté, me dit-il sur un ton hautain.
– Sois pas bougon. Je n’ai même pas donné son nom.
– Pas la peine. Chambéry… Madame de Warens… Les Rêveries… Fais attention à ne pas t’égarer sur un mauvais chemin !
– Pourquoi tu t’énerves…Vous avez quand même des points communs.
– Petite sotte ! Tu dis n’importe quoi. Nous sommes complétement opposés et rien ne peut nous rapprocher. Lui c’est un vagabond, torturé par un idéal de vie, moi, je me borne à être un sauvage paisible dans la solitude que j’ai choisie. Tu saisis la différence ? D’ailleurs je lui ai écrit quand il a eu l’impudence de m’envoyer son nouveau livre contre le genre humain.
– Sois pas ironique, Voltaire, je t’entends grincer.
– Moi, je m’accommode bien des inégalités sociales, tant que les philosophes sont respectés. J’aime bien fréquenter les aristocrates, j’aime le raffinement que veux-tu… Je suis le roi Voltaire, n’en déplaise à ce tourmenté de la misère du peuple !
– Si je me souviens, à peu de chose près il pense quand même que l’homme est naturellement bon mais qu’il a été corrompu par la vie en société.
– Le bouquet… ! Que penses-tu de cet homme qui a abandonné ses enfants ? Reviens me donner ta réponse demain soir.
Bonne nuit, ingénue au cœur sensible.
(Joëlle)
Bien rangé, caché au fond du placard, je coulais des jours heureux…
Seuls les petits arachnides venaient me visiter, je dormais.
Soudain, la porte s’ouvre, je frissonne, je tremblote, je grelotte :
Est-ce moi que l’on vient chercher ?
Ou est-ce la collection de Vinyles des années yéyé ?
Saisi par les oreilles, me voilà projeté dans le salon sans ménagement, le soleil m’agresse, je ne dis rien.
Je l’entends marmonner :
– Comment ça marche déjà ?
Elle me secoue dans tous les sens…me fait tourner la tête.
Quelques bruits plus tard, je ressens une énergie folle, le voyant passe au vert !
Hop ! Me voici perché sur sa tête, je domine l’espace, je l’enserre de mes deux demi-sphères, je retiens ma respiration.
Et doucement un souffle susurre, murmure une respiration. Entrent dans la danse des sons cristallins, éclatants, ils s’échappent et proposent des moments heureux, des envies de balades, de voyages, de liberté aussi.
Je l’emporte bientôt dans les pays lointains, dans des jardins d’Eden malgré le confinement. J’enveloppe ses oreilles et son cœur, de bonheur, de belles émotions, de souvenirs heureux. Autrefois étranger l’un à l’autre, aujourd’hui, inséparables, nous ne formons qu’un, plus aucun bruit ne vient troubler cette harmonie.
Délicatement posé sur ses boucles brunes, elle remarque à peine ma présence et se déplace dans la maison. Je la suis partout, en cuisine, au salon, au jardin, je reste collé à son oreille.
Nous parcourons la planète, grâce à toutes ces notes, à toutes ces voix venues d’ailleurs, qui résonnent dans ma tête et entrent dans la sienne, nous partageons la musique du monde !
Je suis si heureux de lui procurer ce bonheur-là.