photo Mai 68 Paris
L'atelier d'écriture

Mai 68. Je vais avoir 16 ans.

Marie-Louise nous raconte « son » Mai 68 ! Elle sort alors à peine de l’adolescence. Les nouvelles et les répercussions des manifestations qui parviennent à La Rochelle inquiètent la jeune fille… Mais c’est aussi un très beau mois de mai et à 16 ans, on a envie de profiter de la vie !

(photo: Michel Baron)

« Mai 68. Je vais avoir seize ans. A cette époque, je suis bien plus préoccupée par les problèmes d’adolescents, de la sexualité, des copains et copines, qu’aux événements qui ont lieu en France !

D’ailleurs je ne comprends pas grand-chose, excepté que notre pays est entièrement paralysé par de fortes manifestations étudiantes et des grèves ouvrières.

Pas de télévision à la maison, mais mon père écoute le « transistor » à longueur de journée et achète le journal tous les jours. C’est par ce biais que je suis au courant des grèves, des émeutes, des barricades au quartier latin…

Je revois les photos dans le journal avec voitures détériorées, rues dévastées et dépavées.

Bien qu’inconsciente de la situation, je suis quand même effrayée lorsque j’apprends que des jeunes meurent, se révoltant, comme ce jeune homme de 17 ans, Gilles, noyé dans la Seine alors qu’il tentait d’échapper à la police.

Le nom de Daniel Cohn Bendit revient très souvent car il faisait partie du mouvement de jeunes anti- autoritaire. J’admire le courage de ce jeune homme, fort séduisant d’ailleurs, sans trop savoir ce pour quoi il milite.

Les discussions entre adultes sont plutôt houleuses lorsqu’on parle du Général de Gaulle qui, disent certains, semble dépassé par les événements. « Dix ans au pouvoir, ça suffit ! » disait mon oncle André, très à gauche !

Des phrases, entendues de ci de là, résonnent encore dans ma tête, telles que « Il est interdit d’interdire » ou encore « élection, piège à con ». Comment ose-t-on dire de tels gros mots devant les journalistes ?

Je me souviens aussi d’un « pendu », un faux bien sûr, que les ouvriers de l’usine Alstom de La Rochelle avaient suspendu au premier étage avec une banderole dessous, qui disait à peu près ces termes : « Ca va encore durer longtemps ? » et aussi :  « Tous en grève ! »

Tout cela était quand même bien stressant pour la jeune fille que j’étais et qui entrait dans la vie adulte avec inquiétude au vu de la situation…

Toutefois, cette époque apportait son lot de consolations.

Les enseignants faisant pratiquement tous grève, on était au mois de mai souvenez-vous, j’avais donc tout loisir pour profiter des copines, de la plage, du sable chaud car le collège était fermé en permanence.

De plus, pour ma part, c’était l’année du brevet, appelé à l’époque BEPC, et cet examen fut certainement un des plus simplifiés de toute l’histoire, je pense. Pas d’écrit, juste des oraux de français, d’anglais et plus surprenant de math aussi. Les examinateurs étaient très indulgents. Peu d’échec cette année-là, ce qui fit le bonheur de plusieurs de mes camarades!

Mais un détail, que je vais vous raconter maintenant, fit sa petite histoire !

Ma mère venait de m’offrir une superbe montre de marque Lip. Inconscience de la jeunesse, j’oublie que je porte une montre au poignet et je me baigne dans l’eau de mer ! Immédiatement ma mère l’apporte chez le bijoutier qui ne peut rien faire. La montre étant toujours sous garantie, ce dernier l’expédie à la maison mère Lip à Besançon ; c’était sans compter les grèves ! Ma montre nous fut retournée non réparée plusieurs semaines après, avec, pour motif : « oxydée ! » Elle était restée coincée pendant un mois dans les bureaux de la poste, elle aussi en grève !

Mai 68 restera gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont vécu cette période car de nombreux changements sont survenus à l’issue de tant de révoltes.

Personnellement, au niveau scolaire, je me suis très vite aperçue que l’élève était enfin reconnue comme une personne. Dans les classes, le débat est accepté, la parole est plus libre. Les élèves participent activement à la vie scolaire.

Que dire de l’évolution des mœurs avec la libération sexuelle, l’amour libre, La contraception, la parole aussi…

La chanson « 69, année érotique » de Serge Gainsbourg, n’aurait probablement pas été autorisée avant mai 68 !

A l’instar de toutes les grandes guerres, il aura fallu passer par toutes ces épreuves de mai 68 pour obtenir enfin plus de libertés, de bien-être et de reconnaissance, dont nous profitons tous aujourd’hui sans en être vraiment conscients ! »

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