Encore quelques kilomètres à parcourir en compagnie de Liliane, Isabelle, Denis, Marie-Louise, Violette et Marie.
Finalement, on en aura vu du pays aujourd’hui !
Merci encore pour tous vos mots de et en liberté…
Photo : Nina Uhlikova
À vélo (Liliane)
Soleil, pas trop de vent, allez, j’y vais !
J’aime partir à vélo, en début d’après-midi, parce que j’ai tout mon temps, je peux flâner, m’arrêter, discuter avec des personnes si j’en rencontre.
J’apprécie de découvrir, au printemps, de petites routes parsemées de haies.
Des champs fraîchement labourés n’attendant plus que les semailles.
Des prés où apparaissent les premières jonquilles sauvages.
Je remarque les fleurs naissantes, les plantes que je peux ramasser pour manger.
Je remarque les changements de la végétation qui s’ouvre à la vie renaissante de la saison.
Cela me rappelle le temps où j’étais plus jeune, que je rentrais tôt le matin après une sortie et qu’il avait plu. En ouvrant les vitres de la voiture, je pouvais sentir l’odeur de l’eau sur l’asphalte…
Balade en mars ! (Isabelle)
En temps normal, je ne me balade pas… Je cours ! En petites foulées, le long de l’océan.
Mais depuis l’assignation à résidence, finie la course. Place à la balade… dans mon petit jardin.
Je n’attends plus seulement que le soleil soit au rendez-vous. Inutile de faire la fine bouche ! Seule une pluie drue est capable de me priver de ma sortie matinale. Plus besoin non plus de tennis aux pieds. Des sandales suffisent désormais ou même mieux ! Pas de chaussures du tout, pieds-nus dans ma pelouse. Adieu le short également ! La petite nuisette à bretelles fait très bien l’affaire.
Ralentir l’allure et respecter le rituel sont les maîtres mots pour parcourir soixante-dix mètres et faire durer le plaisir. D’abord, fermer les yeux. Humer la brise matinale.
Elle m’apporte de délicieux effluves marins. Si je suis attentive, je distingue au loin le lent ressac de l’océan. Je me sens bien. Je suis prête pour mon grand petit tour.
Je pars à gauche, en direction du potager. Sous mes pieds nus, l’herbe drue est fraîche et humide. Mes orteils s’y enfoncent avec délectation. Comme les griffes d’un chat, ils s’ouvrent et se referment pour profiter pleinement de la caresse apaisante et moelleuse.
J’ai à peine dépassé le figuier bourgeonnant que, déjà, les fraisiers sont en vue ! Je dois ralentir… Je me penche et j’observe. Je les ai replantés il y a quelques jours. Ils n’étaient pas bien vaillants, mais je constate que la rosée du matin les a ravivés. Et même deux petites fleurs de gariguettes en devenir commencent à éclore. Deux pas derrière, les framboisiers ont commencé leur croissance… Hum ! Divins desserts en perspective… Soupir de satisfaction.
Un mètre plus loin, l’oseille s’épanouit. J’en connais un qui sera ravi de pouvoir parfumer son omelette du soir !
Tiens ! La menthe sort de terre et colonise un carré entier ! J’ai déjà dans la gorge la saveur des premiers mojitos de la saison. Il reste encore un petit morceau de terre à travailler, juste à côté ? J’y sèmerai le persil et le basilic et cet espace deviendra le clos des senteurs.
Je poursuis la balade vers la « roseraie », cinq mètres plus loin. Autour d’une fontaine miniature qui glougloute, les quatre rosiers remontants dont je suis si fière commencent à bourgeonner. Il faudra faire preuve d’encore un peu de patience pour voir s’épanouir leurs fleurs odorantes.
Mes pas conduisent vers l’avant de la maison. Plein Sud. Le jardin d’agrément. Je chemine tranquillement. Mon regard caresse la glycine enroulée sur la pergola, glisse sur la bordure de buis délimitant le carré des vivaces, s’attarde sur les acanthes aux feuilles vernissées, festin des escargots et s’accroche à la cabane d’insectes déjà bourdonnante des premières bestioles.
Et ma balade s’achève déjà ! Sous l’olivier m’attendent mon fauteuil en rotin et mon café du matin servi avec amour. Je m’approche. Je dépose un baiser sur une joue encore chiffonnée de sommeil. Enveloppés de silence, tous deux continuons des yeux la balade du jardin. Au-dessus de nous, les mésanges s’affairent au nid et au-delà de la grille, la route s’éloigne en solitaire.
La journée sera longue. A midi, je reprendrai ma promenade dans l’autre sens… Une sieste… Et puis au crépuscule, je recommencerai… Les fleurs auront poussé…
Balade (Denis)
Voici une étrange activité ! Je ne la pratique pas avec plaisir, je n’en ressens aucun besoin. C’est à mes yeux une perte de temps, l’occasion d’un déplacement inutile, sans but autre que celui de prendre l’air. Mais quel air pouvons-nous respirer dans les rues de la grande ville envahies par une multitude bruyante de véhicules fumants ? Non, très peu pour moi, d’autant que je ne goûte pas le plaisir de flâner.
J’aime marcher pour me déplacer, mais il me faut avoir une destination, le besoin de me rendre à un endroit précis, qu’il soit connu ou inconnu. L’honnêteté me conduit à dire que je fais de véritables balades, très régulièrement, de longues balades qui durent chacune plus de quatre heures, mais je ne les nomme pas ainsi. Il s’agit de mes parcours de golf que j’effectue le plus souvent possible, deux à trois fois par semaine, toujours en marchant à la poursuite de la petite balle blanche expédiée par mes soins au plus loin que mes forces me permettent. Elle se cache de temps en temps cette maudite balle, comme pour me punir d’avoir réalisé un mauvais geste, techniquement mal maitrisé. Il faut la chercher, la remettre dans le droit chemin en ravalant la frustration qui m’envahit régulièrement.
Ma balade est donc l’exercice de ce sport machiavélique. Quel bonheur de pouvoir le pratiquer dans des cadres de verdure, tous plus magnifiques les uns que les autres, seulement dérangé par le bruyant silence de la nature, le chant des oiseaux et le son du vent dans les branchages et feuillages des nombreux arbres. C’est systématiquement à pieds que je parcours mes six à huit kilomètres. L’âge « aidant », je ne porte plus mon sac de quinze kilos à l’épaule, mais celui-ci avance sur le terrain au rythme de mes pas installé sur le chariot à moteur électrique dont je suis doté depuis quelques années.
Pendant un parcours de golf, je ne pense plus à rien d’autre qu’à la trajectoire que je vais essayer de donner à ma balle pour la faire atterrir dans le prochain trou que je vais affronter et tenter de dominer. Outre moi-même, le véritable adversaire est le parcours. Cette obsession fait disparaitre toute autre pensée, agréable ou plus souvent désagréable.
Parfois, au cours de mes escapades golfiques je me surprends à fredonner une ballade ! Mais ceci est une autre histoire, celle « des gens heureux » disait un poète.
Une balade sur le front de mer ! (Marie-Louise)
Une balade sur le front de mer !
Y a-t-il quelque chose de plus merveilleux, de plus ressourçant que d’avancer, cheveux au vent, humant cette douce odeur si particulière qu’est l’iode marine ?
Cette promenade, j’aime la faire au petit matin, juste quand le soleil se lève, en compagnie de mon chien.
J’avance alors le plus lentement possible pour profiter de chaque seconde.
Tête levée, j’aime cette brise matinale qui vient caresser tous mes sens. Je ne vois rien d’autre que les flots qui passent et repassent laissant derrière eux cette dentelle mousseuse.
Ce va-et-vient incessant attise ma curiosité et m’interpelle sur le sens de la vie. Toute cette immensité pour moi toute seule et mon chien qui vit sa vie sans se préoccuper de mes états d’âme.
Parfois une mouette me rappelle à la réalité. J’aime son doux chant qui envahit mes oreilles alors qu’aucun autre bruit ne vient troubler cette réalité qui me semble pourtant le paradis !
L’instant magique se termine, il faut rentrer. « Allez le chien ! »
Ma journée peut commencer, elle sera envahie du « précieux » du temps présent.
Paix et silence (Violette)
Balade quotidienne sur le chemin qui borde le canal de Marans, et ce depuis des années. Un peu monotone, pensez-vous ? Pas du tout !
A la fois semblable et toujours différent, le paysage se transforme au gré des saisons. L’eau peut être d’un vert sombre et profond, presque inquiétant, ou d’un gris argenté et luisant. Les berges se parent de roseaux à plumets, ou d’herbe tendre émaillée de pâquerettes et de primevères sauvages (les « coucou » disait ma grand-mère), comme en ce moment, en ce joli mois de mars.
Et chaque jour, une surprise m’attend : aujourd’hui, j’ai vu les deux cigognes de l’an passé qui ont retrouvé leur nid. Un petit sourire pour les saluer, le printemps est bien là ! Demain, ce sera une flottille de canards arrivant en hâte pour se jeter sur les miettes que je leur lance. Et puis, des poules d’eau qui fuient comme des folles à mon arrivée en laissant derrière elles un sillage argenté. Et parfois, et là c’est un jour faste, un couple de cygnes voguant nonchalamment, fiers de leur hautaine splendeur. Un coup de chance parfois : le noir périscope d’un cormoran qui a fui le bruit des vagues pour la paix du canal.
C’est bien en effet la paix que je trouve là, et le silence, juste troublé de temps en temps par les pas d’un promeneur solitaire, ou le bruit du moteur de la voiture du pêcheur qui arrive pour jeter ses lignes. Paix et silence, dont j’ai tant besoin …
Balade d’hiver (Marie S.)
J’avais envie de partager avec vous tous cette jolie balade dans le passé et dans le grand froid…
Non, non Marie tu n’as pas rêvé, c’est arrivé, c’est bien toi qui as vécu ces instants magiques, suspendus dans le temps. Non, non, tu n’étais pas en train de lire un bon roman d’aventures : c’était ta réalité, rien qu’à toi !
Ce matin-là il faisait un froid de canard à ne pas sortir son bec de sa « tuque ». Seule mon haleine chaude me rappelait que je respirais encore. J’avais hâte « d’embarquer » sur ce traineau qui m’attendait mais pas autant que ces superbes chiens qui ne tenaient plus en place, tandis que leur maître, un authentique homme des bois, leur attribuait une place définie à l’avance et leur ordonnait de se calmer avant le top départ. Tout n’était qu’aboiements, couinements, braillements alors que j’observais avec humilité ce colosse des bois qui composait l’équipage canin de mon futur vaisseau. J’étais fière et impressionnée mais aussi apeurée, me demandant si je parviendrai à appliquer les consignes de conduite que l’homme m’avait transmises.
Puis « le go » fut donné, et comme par magie les chiens sont devenus Mes Chiens ; le traîneau, mon corps et les bêtes ne faisaient plus qu’un seul élément lancé sur la neige immaculée un matin de février au beau milieu de la forêt de Mauricie. Comme si les bêtes n’étaient là que pour moi, comme si elles s’étaient entendues pour m’offrir ce merveilleux moment de vie : oui, elles m’embarquaient dans leur monde, m’offraient ce privilège. Rapidement je maîtrisai la technique de l’équilibre sur le traineau et celle du freinage avant les virages ; je ressentais dans tout mon corps le point d’équilibre où, légère, je dansais à l’unisson avec l’attelage. A ce stade, j’étais en communion avec la Nature, tout faisait écho, et je n’entendais que le crissement des patins sur la neige poudreuse, le halètement des chiens athlétiques et appliqués, le craquement des branches à notre passage et les ordres, au loin, du musher. Le froid avait disparu, seule une brise glacée à l’entrée de mes narines me le rappelait alors que tous mes muscles produisaient une chaleur diffuse de transpiration dans ma combinaison. Nous étions les plus forts et les plus rapides du monde !
Je me rappelle m’être dit : « Marie, prends tout, regarde bien, goûte, sens, écoute, vis, vis ! que cela ne s’arrête jamais, que ces bêtes t’emportent avec elles pour un long voyage à l’appel de La Forêt… »