Ça fait du bien de dire « non » de temps en temps, n’est-ce pas ?
On continue à décliner les propositions d’embauche ou autre projet peu alléchant dans nos lettres.
Ici, les missives d’Adeline, Françoise St-G., Pierre et Michèle !
(Adeline)
Madame,
Je me permets de vous écrire afin de décliner votre offre pour le poste de chargée de mécénat au sein du département du musée [celui dont l’on ne doit pas citer le nom]. Bien que mon parcours corresponde partiellement au profil que vous recherchez, il se trouve que mes compétences sont bien trop précieuses pour être mises à votre disposition.
Vos missions proposent de cirer des pompes à des personnes que vous ne cessez d’envier pour leur stature, leur classe, leur salaire, en un mot, leur réussite, de créer des présentations powerpoints pompeuses dont la charte graphique imposée par votre équipe illustre une absence de goût incroyable, et enfin d’effectuer toutes les tâches ingrates que vous estimerez nécessaires pour compenser votre incapacité à imposer le respect.
Ce poste ne fait pas transparaître beaucoup d’avantages. Vous êtes sur le point de me rétorquer qu’il m’offre la possibilité d’assister à des événements exceptionnels que vous envient vos compères parisiens. Pourtant, entre nous, quel est l’intérêt de se rendre à la FIAC alors que l’art contemporain est seulement intéressant pour son accès à de multitude coupes de champagnes ? Autres avantages ? Niet.
Aussi, vous avez oublié de me demander mes attentes afin de m’épanouir dans le travail. Tout d’abord, la stimulation intellectuelle. Pero, nada. En effet, il me semble que c’est une activité que vous avez substituée en une critique acerbe de vos collègues et en une recherche désespérée de dîners mondains. L’ennui vous a terrassée. Ensuite, le travail d’équipe. « Che cosa è ? » vous me répondez. C’est un concept que vous avez fui, je crois. L’idée de devoir collaborer au quotidien avec les harpies qui composent votre troupeau me fait tout simplement venir la nausée. Servir la culture. Une désillusion effective.
En conclusion, vous et moi sommes d’accord sur un point : accepter ce poste serait un rapprochement de la reconnaissance sociale tant recherchée. Oui, vous n’êtes pas la seule à être vaniteuse. Toutefois, pardonnez-moi mon niveau d’exigence mais ce vernis s’effrite bien trop facilement. Il est préférable que je me retire gracieusement afin de laisser ma place à une personne qui saura accepter votre compétence pour exacerber ses frustrations et son venin.
Je reste à votre disposition pour de plus amples informations et vous souhaite une très belle continuation.
Cordialement,
Adeline
Ne brise pas la chaîne
(Françoise St-G.)
Ce matin, j’ai reçu ce message d’une personne dont je tairai le nom, par courtoisie :
On dit que de l’autre coté du monde il y a de l’or. Moi, je ne sais pas. Mais je sais que de l’autre coté de cet écran, il y a une personne qui vaut de l’or ! Et que j’estime beaucoup ! Alors envoie ce message à tous ceux que tu adores, et à moi si j’en fais partie ! Si plus de 3 te reviennent, à 10h demain quelqu’un t’annoncera une nouvelle longuement attendue. STP, ne brise pas la chaine et envoie ce message à 7 amis au moins.
Voici ma réponse.
Cher X…,
Je suis très touchée par le fait que vous ayez enfin pris conscience que je suis une personne qui vaut de l’or et que vous m’estimez beaucoup.
Je conçois qu’il n’a pas dû être facile pour vous de vous lancer dans un tel aveu, si j’en crois le temps qu’il vous a fallu pour le faire.
Devoir vous dévoiler ainsi devant une femme aussi précieuse et incontournable que moi… il a dû vous en coûter ! Mais n’ayez aucune inquiétude, je reçois ce témoignage de quasi-dévotion, avec beaucoup de simplicité et de reconnaissance.
Je ne vous cache pas, même si ma modestie en est affectée, que je suis régulièrement destinataire de messages d’admiration et d’amour comme le vôtre.
Bien qu’à la longue, l’habitude s’installant, mon émoi s’amoindrisse, je n’en reste pas moins flattée et je souhaite à mes consœurs, moins chanceuses, que leur valeur soit un jour reconnue comme la mienne le fût, ce matin, par vos soins.
Toutefois et sans vouloir vous offenser, je préfère vous aviser honnêtement que je ne pourrais pas partager ce message, comme vous me le demandez.
Il m’est effectivement très difficile de trouver parmi mes relations des destinataires qui méritent autant d’estime de ma part. Par ailleurs, et n’y voyez aucune malice, notre degré d’intimité n’est pas suffisamment important pour que je puisse vous l’adresser à mon tour.
Ne perdez surtout pas espoir et soyez persévérant, l’avenir peut changer les choses !
Bien cordialement,
F.
Le jet de l’éponge (Pierre)
Après des mois de galère, de multiples lettres d’une belle motivation accompagnées d’un curriculum vitae que je m’échinais à rendre le plus complet et le plus flatteur possible….
Combien de rendez-vous où je suis venu le cœur serré, dans le plus beau et sobre costume, coiffé avec grand soin, le visage crispé mais souriant…
Rien.
J’ai décidé de tourner la page et de quitter la région.
C’est dans ces circonstances particulières que me parvient le courrier d’un responsable d’un groupe informatique que j’ai bien connu. Il m’invite à le rejoindre.
Voici ce que je lui répondis, le coeur plus léger :
Cher ami,
J’ai pris connaissance de votre offre avec beaucoup de plaisir. Cela me prouve que vous ne m’avez pas encore oublié. Je vous en sais sincèrement gré.
Mais aujourd’hui je ne peux et ne puis l’accepter car je viens de changer le cours et même l’orientation de ma vie.
Dorénavant je souhaite tourner la page de mon parcours professionnel pour me consacrer à une approche différente, près de mon épouse, la présence de la famille et mes amis proches.
Je me suis fait à l’idée de vivre désormais dans une région plus calme et plus attrayante, au bord de l’Océan. Je pourrai m’adonner aux plaisirs variés du jardinage, de l’écriture, de la généalogie et peut-être aussi de l’autobiographie.
Sans la motivation nécessaire, je ne suis plus en mesure de me battre pour faire augmenter le chiffre d’affaires, ni de rédiger sans arrêt les fastidieux rapports, ni d’assister à ces réunions hebdomadaires souvent inutiles, ni d’attendre avec impatience les décisions qui ne viennent pas. Et surtout souffrir du manque de reconnaissance de nos dirigeants.
Toutes ces raisons m’ont fait comprendre que le moment était venu pour moi de « jeter l’éponge »…
Chère Caroline (Michèle)
Chère Caroline,
Tu me demandes une réponse rapidement car tu souhaites que je sois ton témoin de mariée.
Quand par téléphone, je t’ai demandé pourquoi tu le souhaitais, tu as trouvé cette réponse, qui à première vue semble très jolie :
« Souviens-toi, tu as été la seule après ma séparation avec Stéphane, tu te souviens il m’a jetée comme une moins que rien de sa vie après plusieurs années. Tu as été là, tu as toujours été là, pour me ramasser, chaque fois que notre couple était en crise. Tu te souviens de ta phrase, quand je t’ai annoncé, il y a cinq ans, que Stéphane voulait me rencontrer pour discuter. Je ne voulais pas y aller. Tout le monde me déconseillait de me rendre à ce rendez-vous. Sauf, toi. Tu insistais, en disant que si je n’y allais pas, je ne saurais jamais ce qu’il voulait me dire. Grâce à toi, j’y suis allée et nous nous sommes remis ensemble. Donc, tu comprends pourquoi, aujourd’hui, je souhaite que tu sois mon témoin de mariée. Tu es une véritable amie. »
Ma chère Caroline, tu es délicieuse, imprévisible, touchante et tellement désarmante dans tes convictions, dans ta conception de la vie.
Je vais probablement te faire de la peine en refusant ce rôle que tu insistes tant à m’attribuer.
Treize années que nous nous connaissons. Treize années depuis ton divorce d’avec Christophe. Treize années à t’écouter, à te remonter le moral, à entendre tes pleurs à chaque échec après une nouvelle rencontre…
Oui j’ai été là, pour te consoler, te prendre dans mes bras, te cajoler comme une petite fille. J’ai été ta maman, ta confidente sans rien attendre en retour. Tu étais comme dans la chanson de Claude François, la « pauvre petite fille riche », incapable de saisir les leçons de vie imposées, te concentrant uniquement sur toi, rien que sur toi. J’ai pris le temps de t’expliquer pendant ces longues années comment te détacher petit à petit de ta souffrance, regarder autour de toi, voir aussi les merveilles que peut offrir la vie. A t’aider tranquillement à grandir, sans caprice.
Tu comprends pourquoi, aujourd’hui, je ne peux être ton témoin à ton mariage.
Ma tâche est accomplie. Je ne sers plus à rien car tu n’as plus besoin de moi.
Je ne peux que te souhaiter du bonheur. Et ce bonheur-là n’a pas besoin de témoin.
Avec toute mon affection.