Défi "confinés inspirés"

Défi J16 : Cher.e moi, (2/2)

À mi-parcours du confinement, on s’adresse, à soi-même, quelques mots pour plus tard.
Pour garder la mémoire de ces instants de remise en question, de solitude ou d’espoir…
Lisez les textes de Brigitte, Michèle, Saïda et Michel.

Photo : Suzy Hazelwood


Bonjour toi bonjour moi (Brigitte)

Bonjour toi bonjour moi

Dis-moi donc la différence ? Tu rentres chez toi, solo, mais tu sais qui connait ton vrai moi.

Le coup de massue tombe, tout le plaisir de rendez-vous annoncé dont tu te faisais une fête s’écroule : première bouée de sauvetage annulée , deuxième bouée exaucée : en mer avec les copains pour une sortie qu’on ne sait pas encore être la dernière, elle n’en reste que meilleure dans les souvenirs !!!

Tu apprends tous les jours à faire le tri de certains papiers : poubelle, bon débarras, photos mon dieu que c’était bon ces moments-là mais les meilleurs sont imprimés bien plus que sur du papier, ça défile quelquefois grâce à tout ce temps offert .

Tu savais déjà que le temps est une notion que tu t’emploies à édifier en reine : je sais exactement quel jour tu as commencé à chérir cette notion, c’était à Avignon après avoir vibré à l’écoute d’un texte écrit par Vincent Rocca.

Depuis ce jour , tu as multiplié à la puissance N la conscience de vivre au présent, de se débarrasser de l’inutile .

Souviens-toi de ton année vécue en Roumanie sous un régime totalitaire où les difficultés humaines t’ont appris à faire le tri déjà et t’ont révélé la capacité à vivre en solo et mettre en lumière la force intérieure. Ce fut un bon vaccin !!!

Présentement, c’est le grand luxe : un cocon dans lequel tu n’as pas froid, tu es entourée de verdure, tu vas saluer la mer tous les matins, tu peux te faire des petits plats et boire des apéros vidéo : que demande le peuple ?!! Tu n’as mal nulle part et tu n’as pas de soucis du lendemain. Mais le voilà le meilleur des mondes. 

Eh bien non, pas tout à fait , parce que dans le meilleur des mondes, tu pouvais bouger à ta guise sans masque et sans papier mais il va falloir s’y habituer, c’est un Nouveau Monde : tiens donc c’est le nom d’un bateau que tu aimes particulièrement pour y avoir vécu des moments de « vibration humaine » que tu chéris tant, ces moments qui te font sentir vivante et en harmonie.

Et puis surtout, n’oublie jamais le gouffre dans lequel tu as failli descendre à cause d’un silence relationnel que tu ne comprends toujours pas mais dont tu as réussi à te relever, grâce aux livres et aux amis.  De la distance tu as pris, viendra sûrement le jour lumière.

Continue de rêver, de vibrer comme tu le dis si bien, sans te soucier du lendemain, en essayant de diffuser au maximum des ondes positives.


Chère Toi (Michèle)

Chère Toi,

Comment vas-tu aujourd’hui ?
La dernière fois que nous avons eu un tête-à-tête, toi et moi, c’était lundi soir après l’annonce télévisée du Président de la République.
Je ne sais pour quelle raison, tu t’es mise à tousser, puis ce furent des quintes de toux de plus en plus violentes. Tu as pris du sirop, du paracétamol pour finalement t’asseoir dans le canapé et ne plus bouger. Tu étais toute pâle. Puis je t’ai vue aller à ton bureau, ouvrir ton ordinateur et taper sur ton navigateur de recherches pour vérifier si tu n’avais pas le coronavirus.

Tu sais très bien que tu n’as pas les symptômes.
Moi, je pense que tu as fait une crise d’angoisse quand tu as appris que le déconfinement ne commencerait pas avant le 11 mai, et seulement pour les enfants. Tu as bloqué sur cette date, car tu as réalisé que la situation pour toi était loin d’être satisfaisante pour ton travail. En fait c’est l’incertitude de la reprise, c’est l’inquiétude d’un ordre établi sans repère du lendemain car tu n’es plus gouvernée par des obligations professionnelles.

Souviens-toi de tes journées avant le confinement.
Tu te levais très tôt, bâclant le petit-déjeuner car seul comptait pour toi ce café chaud te donnant ce semblant d’énergie pour démarrer ta journée. Très active pour faire vivre ta petite entreprise, tu jonglais entre production et diffusion de tes produits. Mais l’année se présentait plutôt bien pour toi. Tout était concentré sur ton activité professionnelle et tu commençais à être fière de toi. Avec raison.

L’arrêt brutal de ton activité t’as laissé hébétée.
Comme une machine que l’on arrête par obligation.
Puis tu as fait face à une avalanche d’appels téléphonique, à la fois privés et professionnels. Tu as été à la fois surprise et contente que l’on se soucie de toi…
Avec étonnement, tu t’es rendu compte de la place que tu occupais pour certaines personnes. Cela fait chaud au cœur non ?

La vie professionnelle en arrêt, un confinement obligé. Un chamboulement total de pensées, d’organisation de vie pratique. Toujours ce manque de repères car nous vivons quelque chose d’inédit et historique.

Tu sais que tu n’en sortiras pas indemne sur le plan personnel et j’ai envie de te dire : tant mieux !

A ce jour, j’ai envie de ne te poser qu’une seule question après un mois de règles strictes imposées pour épargner la propagation du virus, pour sauver des vies autour de toi, pour sauver aussi ta vie :
Es-tu satisfaite de toi ?


Ce débat entre moi et moi… (Saïda)

Lorsque ce soldat est tiraillé par ses souvenirs de guerre, lorsque ses démons lui tendent la main pour l’aspirer dans les profondeurs de ses propres ténèbres, voilà ce qu’il répond à sa femme, une bouteille de whisky à la main : « C’est juste un débat entre moi et moi, à propos de moi. Ne t’inquiètes pas, ça va passer ».

Lorsque je plonge au plus profond de moi-même, au cœur de mes entrailles et au plus près de mon cœur, je te vois cher soldat et je te comprends. Je vois la mort, indissociable de la vie. Je l’accepte avec humilité en lui faisant place dans l’existence. Ce n’est qu’à cette condition que le mouvement de vie prend tout son sens dans l’essence même de ce qu’elle a de plus éternel.

Je laisse remonter à la surface la mémoire de mon vécu, ainsi que les émotions et les sensations qui y sont associés. J’apprends aujourd’hui à reconnaître l’origine de mes projections en intégrant mes zones d’ombre refoulées à mon tempérament de base. J’observe mes réactions lorsqu’une personne suscite chez moi une vive réaction, qu’elle soit désagréable ou plaisante. Je ne rejette rien, je ne renie rien.

Je sais aujourd’hui que je peux me libérer de certaines tensions en acceptant ce processus d’individuation. Cette intégration me permet d’agir en étant authentique, en permettant à l’intérieur de rejoindre l’extérieur, pour une personnalité véritable.

Mon regard sur le monde et les êtres est modifié car j’ouvre mon cœur aux ombres de mon vécu, pour qu’enfin je devienne moi. Le principe de plaisir intègre les petits riens de mon quotidien.

Ce voyage dans l’intime me fait penser à ce dialogue entre moi et moi, à propos de moi.

Le bonheur dit à la tristesse : « Cesse de faire de l’ombre à la lumière »

La tristesse lui répond : « Intègre la tristesse à ton bonheur et la joie ne te quittera plus »


Résurgence (Michel)

Voilà longtemps, bien longtemps
J’ai demandé au vieux clown, 
Hors de cause et sans parti pris,
Qu’il montre en main le droit chemin,
Chemin des saintes tables 
Ou chemin de faire.
Voilà tout aussi longtemps ou presque,
Le vieux clown sans rires
M’a dit de prêter l’oreille aux murs,
Aux murmures du vent
Que j’ai pris sans gants ni forme.
J’ai prêté , tout pris et n’ai rien rendu,
Ni monnaie, ni gorge
Et pas davantage le tablier.
Egoïstement,
Confiant dans les moi de mes années
qui m’animent et se suivent,
J’ai pris la corde à tourner le vent,
Je n’ai servi ni dieu, ni vin de messe noire. 
Maitre de ma conscience ou presque
J’ai serré  les mains, parfois les vis,
Serré la corde à tourner le vent,
Dans le sens des aiguilles du midi
Toujours à mon pas de porte.
De ces vents-là, je retenais
Les raison et dérision
Qui dépassent les seuils raisonnés,
et inventent les pensées créponnées,
Celles qui cyanure l’effroi
Et font croire aux pères noëls,
Aux têtes en sueur et de nuages,
Au mirage des grand ensemble et grosse tête.
Plus tard, bien plus tard,
Seul, tel est pris qui croyait s’éprendre
Je me suis vautré debout,
Au triste milieu ouvert et rouge blessé. 
L’œil outre-mer et l’orgueil outre passé,
L’appel sans air interjeté
aux arbres qui tutoient les nuages ;
A tiré un trait de si égoïste
Sur l’horizon mal bouché.
Alors à tout vent j’ai tout viré,
Viré le vent, virée la cuti
Viré l’auvent, aux arrêts les chiens,
Reste la caravane qui repasse
Au beau milieu des aires du vent qui chante
Et tire au clair de lune
Le destin déjoué des jeux double
Inamicalement double.

2 Comment

  1. En lisant tous vos textes adressés à vos « mois », je ne vois que de la force et une vraie énergie de vie. Alors comme toujours faites-vous confiance !

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