Les participants ont créé de nombreux personnages depuis le début du confinement… Aujourd’hui, on se glisse dans la tête de l’un d’entre eux, qui n’a pas eu la parole ! Comment aurait-il raconté la scène, lui ?
Les participants ont choisi un texte, puis raconté ce qui s’était passé (peut-être) du point de vue de « l’autre ».
Pas facile ? Saïda, Joëlle et Margaux ont relevé le défi !
Photo : Inga Seliverstova
Une vérité (Saïda)
(écrit à partir du texte de Liliane que vous pouvez lire en cliquant ici)
T’annoncer l’impensable le jour de ton mariage, je ne peux pas, très chère amie de toujours. Ce matin en allant faire mes courses, j’ai aperçu ton mari sortir de cet hôtel du centre-ville en compagnie d’une femme.
« Ça ne compte pas. C’est la faute de cette fichue coutume d’enterrement de vie de garçon », a-t-il dit.
Nous sommes à une heure de la cérémonie. Je suis de l’autre côté de la rue, en face de chez toi, apprêtée de cette jolie robe bleue que tu as choisie pour moi. « Pas de pantalon le jour de mon mariage »… Et je t’aperçois de l’autre côté, belle dans ta magnifique robe de mariée, rayonnante, prête à dire oui à l’homme que tu aimes.
Je ne peux pas te le dire et je ne peux pas faire comme si. Et de mon portable, je t’envoie une banalité, un mensonge de plus pour ne pas avoir à traverser la distance qui nous sépare, et détruire ce que tu as construit.
« je suis désolée mais je ne viendrai pas à ton mariage car Michel a peur de la foule ».
Envoyé…
Tu seras très en colère et déçue par mon absence. Et mon manque de tact. Ce petit sms finira par anéantir le reste. C’est la seule solution que j’ai trouvée.
Je te souhaite d’être heureuse et puisse le vrai amour rencontrer un jour ton chemin, ma très chère Liliane.
Chère Liliane, (Joëlle)
(À partir du même texte de Liliane, qui se trouve ici)
Ma très chère amie, amie sincère, je sais que tu as été très déçue par notre absence.
Ce samedi, ce jour était sans aucun doute le plus beau jour de ta vie.
C’est pourquoi tu mérites une explication à notre soudaine absence :
Depuis plus de 30 ans, Michel et moi avons partagé ta vie, tes bonheurs, tes envies, tes soucis aussi, comme notre petite sœur, on voulait te protéger, t’accompagner tout au long du chemin…
Puis tu as rencontré Eustache ! Ce beau diplomate, cet aristocrate. Il ne nous plaisait guère, fier, imbu de sa personne, et un peu ordinaire.
On s’est dit, avec Michel, que ce n’était pas un gentilhomme ! On t’a mise en garde, sur ces relations douteuses et sur sa vie de patachon.
Tu étais « sa chose », tu n’écoutais rien, tu n’avais plus de discernement, comme envoutée, tu étais.
Avec Michel, on a bien réfléchi et on s’est dit qu’on ne pourrait cautionner ce mariage.
Je suis désolée.
Sache que tu resteras toujours notre amie, notre cœur reste ouvert.
La petite chipie (Margaux)
(Inspiré par le texte de Saïda que vous pouvez relire ici)
Cette petite coquine, ç’aurait pu être moi… J’étais une toute petite fille. Tous les midis nous mangions chez ma tante qui habitait dans le bourg du village. Ainsi, je n’allais pas à la cantine.
Toutes deux, ma cousine et moi, nous nous rendions à l’école à pied. C’était en bas de l’église, la route sinueuse montait et descendait.
Dolores, ma cousine, et moi marchions doucement. On était en haut de la côte.
J’avais un Malabar dans la poche, je lui en donne un, je lui dis :
– Regarde Dodo, je vais essayer de faire une bulle ! On m’a expliqué comment il faut faire. Il faut tirer la langue comme cela.
Une langue bien rose sort de ma bouche, lorsque, en haut de la côte, une dame à sa fenêtre nous voit et croit que je lui tire la langue.
Elle devient rouge écarlate et m’incendie en me traitant de petite peste, que mes parents seront avertis de la chose immonde que j’avais faite et aussi qu’elle allait me la couper, cette langue, non avec un sécateur mais avec des ciseaux.
Nous dévalons à toute vitesse la descente, surprises de sa réaction et un peu déconcertées par la colère de la dame. Nous voulions juste nous amuser et faire de grosses bulles ! Elle a cru que cela s’adressait à elle alors que pas du tout. Elle nous accuse à tort.
Je veux tout de même expliquer comment on fait les bulles !
Le malabar doit envelopper la langue, je tire la langue et en même temps je souffle jusqu’à ce qu’apparaisse le magnifique ballon qui m’éclate au visage. Du coup nous ricanons à perdre haleine.
Cependant lorsque nous passons tous les jours devant cette fenêtre, nous n’en menons pas large. Nous avançons tête baissée et regardons nos pieds. Nous descendons toujours à vive allure de peur d’être agressée par la dame.
Cela ne s’est pas passé dans un supermarché mais j’avais tout de même tiré la langue.
Quelquefois on juge des actes facilement par une attitude ou bien des expressions mal interprétées, et il s’avère que la chose n’est pas du tout ce qu’elle semble paraître.
Vous lire est un pur délice… Merci