Défi "confinés inspirés"

Défi J15 : La Chose (1/3)

D’accord, on peut ne pas être pas matérialiste pour deux sous mais avoir cruellement besoin de… cette chose !
Quel est l’objet dont vous ne voulez pas vous séparer ? Dont vous ne pouvez pas vous passer ? 
Lise, Michèle et Marie nous révèlent le leur…

Photo : Jetiveri


(Lise)

Il est le premier objet que je cherche en me réveillant.
Et aussi le dernier dont j’ai besoin avant de dormir.
Dès que j’ai un petit coup de moins bien ou que je m’ennuie, je sais que je peux compter sur lui.
On me dit régulièrement que je devrais essayer de m’en passer un peu, que je ne devrais pas l’avoir à portée de main tout le temps.
Et surtout à table… non, vraiment à table, personne ne devrait avoir le sien.
Un jour, il n’y a pas si longtemps, il m’est même arrivé de le faire tomber dans les toilettes. 
Ce jour-là, j’avais honte, honte de ne pas l’avoir posé avant.
Oui, mais c’est comme ça, j’ai 3 ans et je suis accro à mon doudou !


J’adore mon… (Michèle)

Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai vraiment horreur de faire la vaisselle. 

Je ne supporte pas de voir les assiettes surtout nager dans le bac au milieu du liquide vaisselle. Même si le liquide est doux pour les mains, coloré souvent, dégraissant tout le temps, parfois économique suivant le prix consenti pour cette horrible corvée. Je vous ai prévenu. Je vais trouver les mots les plus horribles pour cette fonction.

Cette réaction n’est pas d’aujourd’hui.

Je me souviens que mon mari souhaitait, à un moment de notre vie, avoir un troisième enfant. Sur le fond, je n’étais pas contre, mais je me demandais comment j’allais m’organiser. On travaillait tous les deux, nous recevions beaucoup nos familles respectives à la maison et je faisais après la soupe à la grimace au moment de faire la vaisselle, même si mon cher et tendre me donnait un coup de main très vigoureux pour aller au-devant d’une mauvaise humeur certaine de ma part.

Mais là, cette demande d’un nouvel enfant me réjouissait et m’effrayait, toujours à cause de cette satanée vaisselle.
Et, là, j’ai eu une idée de génie…
– Chéri, c’est d’accord, pour un nouveau bébé, mais à une condition.
– Allons bon, qu’est-ce que tu vas me sortir… tu me fais peur…
– Bon, je me lance, mais pas de discours financier, s’il te plaît.
– J’ai de plus en plus peur. Tu veux quoi ? Une maison ? Une femme de ménage ?
– Nonnnnnn, juste un lave-vaisselle !
– Tu peux répéter ?
– Je souhaite… non, je veux un lave-vaisselle. J’en ai marre de ce rendez-vous permanent en tête à tête avec ma vaisselle. J’en ai marre !!!
– Bon, ne t’énerve pas comme ça.. c’est ridicule.. tout ça pour laver de malheureuses assiettes.
– Quoi ? Tu plaisantes. Le matin, le soir… Et les casseroles à frotter quand tu oublies que tu as mis un plat à mijoter quand je donne le bain aux enfants.
– Tu exagères, c’est arrivé une fois.
– Et quand ta famille arrive le samedi soir. Quatorze à table ! A ton avis, combien de temps pour faire la vaisselle ? Tu veux que je compte aussi les pièces à laver ?
– Bon, vue la rage que tu as à l’instant, c’est donnant-donnant ?
– Quoi ? De quoi tu parles ?
– On aura un autre enfant si je t’achète un lave-vaisselle ?

A ce mot, j’ai retrouvé le sourire. J’ai imaginé dans mon arrière-cuisine l’appareil ménager, bien blanc, rutilant. Un vrai bijou. Dans ma tête, je voyais déjà le livreur sonner à la porte de notre appartement pour déposer l’appareil.

– T’es encore là ? me dit mon mari.
– Oui, oui. C’est d’accord. Le bébé, le lave-vaisselle.
– Bon je m’en occupe.
– Tu veux pas que l’on aille chez Darty pour le repérer ? 
– Quoi un appareil neuf ? Tu plaisantes. Faut pas exagérer quand même.
– Pourquoi, je n’ai pas la tête à avoir un appareil neuf ? Ta mère tout crachée, toujours des économies de bout de chandelle !
– Et on est reparti avec la famille… Ecoute je ne suis pas d’humeur, je cède, moi aussi j’en ai marre de t’entendre te plaindre pour quelques assiettes à laver.. Tout le monde se prépare, on se dépêche. Tout de suite. Je vous attends à la voiture. On part acheter ton foutu lave-vaisselle ! Quand tu as quelque chose en tête, tu cèdes pas.. T’es bien une Bretonne !
– Et toi, un Normand, à compter tes sous !
– Stop, c’est tout de suite pour les magasins. Tu le veux, tu vas l’avoir. Mais ce soir…
– Oui, mon chéri.


(Marie S.)

Si je me retrouvais seule au monde, sur une île, loin de tout, j’emporterais avec moi un seul objet : un livre. Sans lui, je serais vulnérable, presque nue, avec lui, je serais forte et combative pour ma survie.

Parce que la moitié de l’humanité est rivée sur les écrans froids, moi je suis plongée dans mon livre chaud douillet et j’entends le papier qui crisse à chaque fois que je tourne la page.

Parce dans le bus, au restaurant, dans les salles d’attente les gens connectés aux mines patibulaires ne me voient plus, moi je rêve en couleur avec les mots de mes auteurs préférés.

Parce que chaque jour dans l’espace les écrans déversent une pluie toxique, moi je m’abrite avec la couverture de mon livre.

Parce qu’alors que tous ces cerveaux sont gavés d’images et d’informations douteuses, moi j’arrose le mien de mots et de pensées posées et réfléchies.

Parce que les enfants sont piégés dans le monde virtuel, beaucoup trop seuls, moi je peux encore les faire rêver, ensemble, en leur racontant des histoires et les plus petits tournent la page pour découvrir l’image…

Parce que les écrans bleus retardent le sommeil des insomniaques, moi je m’endors et je rêve avec les mots qui m’enveloppent de leur couverture de papier.

Parce que face à toute cette matière éphémère, moi je prends le temps de lire et de relire les passages que j’aime ; j’en ai la certitude.

Ouvrons, ouvrons la cage aux mots qui se reposent sur la feuille après leur envol.

Je récolte toujours les fruits de mes lectures, longtemps, longtemps après avoir refermé mon livre. Je peux sauver une âme en peine en lui offrant le bouquin qui m’a fait du bien. Au cœur de la tempête, c’est le livre qui m’a sauvée, je ne me suis pas noyée, il était là à portée de main : ma bouée. Je recharge mon esprit à chaque lecture, je sais qu’il y a des milliers d’écrivains qui alimentent la source à l’heure où j’ai terminé mon chapitre.

On nous avait prédit ta mort, Le Livre. Les écrans allaient t’enterrer mais tu résistes et tu es bien vivant dans nos mains et dans nos têtes. Même confinés, le Covid 19 n’aura pas détruit ton pouvoir, au contraire. Dans mon espace réduit, tu me sauves, j’agrandis alors mon monde… Quel autre objet pourrait rivaliser avec toi ? Quel autre peut remplir ces fonctions ? Moi, je n’en connais pas. Est-ce toi, Le Livre, qui détient la clé ? Cachée au cœur de tes mots, de tes phrases ?

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