À première vue, votre récit sera conjugué au passé. Vous évoquez une époque révolue et des anecdotes qui se sont déroulées il y a plus ou moins longtemps. Pourtant, à l’usage, on s’aperçoit rapidement que la conjugaison oscille et penche tantôt vers l’imparfait, tantôt vers le passé composé. Et souvent, vers le présent ! Pourquoi tous ces temps ont-ils leur place dans votre récit ?
Le passé, évidemment !
Sous la plume (ou le clavier, c’est pareil !), la conjugaison est assez instinctive. En déroulant les faits, en rappelant à votre mémoire les moments qui ont jalonné votre parcours, le passé s’impose.
Plus usuel, le passé composé arrive en tête.Il est plus naturel à la majorité des personnes d’écrire « Je suis né à Lyon » que « Je naquis à Lyon » et « À 18 ans, je me suis acheté ma première voiture » plutôt que « Je m’achetai ma première voiture ». Cependant la nuance entre les deux est déjà perceptible.
Si tous les deux marquent l’antériorité du récit par rapport au moment où on parle, le passé composé entretient des liens plus étroits avec le présent. Le passé simple signale lui, très nettement, que l’action que vous racontez est passée, terminée, et qu’elle a été ponctuelle.
Donc, pour l’achat de la voiture, le passé simple me semble plus adéquat !
Le passé simple, le mal-aimé qui « sonne bizarre »
Pour raconter une scène marquante, qui ne s’est produite qu’une fois, on aura plutôt tendance à utiliser le passé simple.
Par exemple : « Un jour, elle se leva, boucla ses valises et disparut à jamais. »
Conjuguée au passé composé, la phrase perd un peu de son côté définitif. Les deux ont néanmoins des aspects très proches.
Non, le hic (je vous connais !), c’est que le passé simple ne s’emploie pas à l’oral et que c’est une conjugaison difficile, qui peut sembler « pompeuse » ou artificielle (mais qui n’est ni l’une ni l’autre !) car on ne l’utilise plus. Sauf si vous écrivez des romans ou des essais historiques.
Ne censurez pas vos passés simples : s’ils semblent compliqués à écrire, ils ne le sont pas à lire !
L’imparfait, le temps de l’habitude
Pas de souci pour celui-ci, il accourt sans prévenir dès qu’on commence à décrire un lieu, une personne et tous les détails qu’on lui rattache. L’imparfait est le temps de la répétition, de l’habitude, d’une action en progression dans le passé.
« Tous les dimanches, il enfilait son complet gris, buvait deux cafés, puis filait à l’église. Il possédait une voiture dont était très fier. » ou encore « Arrivés à l’école, nous devions allumer le poêle. Armand rassemblait le bois, Bruno craquait l’allumette. »
Le présent, un compagnon de choix dans votre narration
Il s’immisce sans qu’on s’en rende compte… Et le voici qui couvre un tiers de notre livre ! Tout naturellement, vous allez écrire de nombreuses scènes au présent, décrire certaines personnes disparues comme si vous étiez en train de les examiner et qu’elles se trouvaient là, sous vos yeux… Et c’est tant mieux !
Tout simplement parce qu’en racontant ses souvenirs, on revit certaines scènes. On replonge dans la peau de l’enfant qu’on était et qui observait ce qui se passait alors autour de lui.
« Il est six heures et je rentre de l’école. Je franchis le seuil de la porte de notre appartement. Je suis un peu essouflé car j’ai gravi les quatre étages en courant. Dès l’entrée, l’odeur me saute aux narines. Mon père se retourne avec un large sourire et m’annonce qu’il prépare notre plat préféré : un risotto aux cèpes ! J’en ai déjà l’eau à la bouche. »
L’avantage avec le présent, c’est que vous embarquez voter lecteur avec vous. Tout est là, en train de se dérouler devant ses yeux. Il devient le spectateur assis dans une salle de cinéma…
Ne vous en privez pas ! Certains ressentent de la gêne : vous pouvez trouver étrange de parler au présent d’une personne décédée ou encore de faire s’exprimer l’enfant que vous étiez et dire ce qu’il ressentait. Pourtant, c’est une manière simple de faire passer des émotions à votre lecteur.
Du futur dans un livre autobiographique ? Mais oui !
Du futur dans du passé, ça se corse ! Pas forcément. On écrira, sans se poser de question : « Maman me prévint qu’elle ne tolèrerait plus de bêtise et que je serais puni. » Ici, c’est le conditionnel, qu’on nomme aussi le futur du passé, justement, et qui correspond au respect de la concordance des temps.
Mais en parallèle, on peut tout à fait imaginer glisser des futurs çà et là. L’une de mes participantes le fait de manière très régulière et cela a attiré mon attention. C’est assez habile :
- « Il adorait les machineries, démontait tous ses jouets. Plus tard, il deviendra mécanicien, à la grande fierté de mes parents. » Ici, on comprend l’ellipse du temps, le bond des années. Ceci est dit, on ne reviendra peut-être pas dessus.
- « Cette pièce restait en permanence fermée à clé. Une fois adulte, je comprendrai pourquoi on m’interdisait l’accès à cette chambre. » Et là, ma curiosité est immanquablement piquée : j’ai envie de savoir et j’espère que le fait sera éclairci au moment venu.
Souvent, la manière dont elle utilise le futur sont des petits indices, des hameçons qui vont accrocher la curiosité du lecteur. Elle distille des éléments qui donnent envie de lire la suite…
Pour résumer, loin de moi la prétention de donner un cours de grammaire… Je n’ai même pas parlé du plus-que-parfait et je ne suis pas allée fouiller d’éminents manuels… (J’aurais dû ?!)
Non, l’objectif est plutôt de constater que, dans les faits :
- instinctivement, on conjugue ses verbes au temps adéquat ;
- il n’y pas de règle précise sur le temps à adopter dans votre récit (si ce n’est celle de la concordance des temps en conjugaison) et l’on trouve bien souvent toute la palette dans les livres biographiques ;
- le présent et le futur, qui pourraient sembler « déplacés » à première vue, peuvent vous servir et créer des effets stylistiques efficaces.
Aussi, sentez-vous libre de raconter votre vie au temps, aux temps et autant qu’il vous plaira. Et faites confiance à cette petite voix intérieure qui vous dicte les phrases : elle sait !
Je suis bien heureuse d’avoir trouvé votre article. il me rassure et me conforte dans mon projet d’écrire mes mémoires. J’étais inquiète de trouver dans mon texte tous ces temps de conjugaisons différents mais ne comprenais pas comment j’aurais pu faire autrement.
Me voilà rassurée!
Merci beaucoup
Avec plaisir Karine !
Continuez à conjuguer « d’instinct », c’est souvent la méthode la plus pertinente… et la tonalité la plus naturelle pour votre texte.
Bonjour, merci pour vos conseils ! Petite question : peut on écrire son » autobiographie » au présent ? J ai commencé et cela me plaît…. CL
Bonjour ! Oui, vous pouvez tout à fait rédiger au présent.
Néanmoins, vous sentirez certainement qu’il vous faut changer de temps dans certains passages.
Et je pense que le futur s’imposera à vous pour exprimer un regard distancié (les années qui vous séparent de votre récit), voire une interprétation du moment que vous racontez.
Par exemple : « Elle court jusqu’à la chambre, découvre son frère en larmes. Plus tard, elle connaîtra les raisons de son chagrin. »
Bonjour,
Je cherche depuis un moment des articles concernant l’alternance imparfait/présent dans le temps du récit pour les autobiographies. Je vois qu’il est tout a fait tout a fait bien d’utiliser le présent. Ma question est de savoir comment faire la transition. Comment passe-t-on d’une phrase à l’imparfait à la suivante au présent ?
Bonjour Marie,
L’alternance imparfait/présent fonctionne très bien dans certaines situations et notamment dans la description d’habitudes :
« Il allait la voir chaque jour. Postée derrière la fenêtre, elle l’observe approcher. La porte s’entrouvre. Il franchit le seuil et l’aperçoit, déjà en train de préparer le café fort qu’il aime plus que tout. Il lui touche l’épaule et s’assoit à la table. etc.
C’était leur rituel, un moment volé au quotidien. »
Ici, le présent permet de replonger dans la scène rituelle, c’est un présent d’habitude, qui exprime la répétition.
Dans les autres cas, si vous avez envie d’utiliser le présent pour rendre votre scène plus vivante, mais que l’enchainement avec l’imparfait ou le plus-que-parfait sonne » bizarre « , vous pouvez marquer une pause (revenir à la ligne, par exemple, pour détacher votre paragraphe au présent).
» Je savais qu’il serait là, il me l’avait promis.
Il se tient debout, le livre entre les mains. Il me sourit et approche avec une nonchalance feinte. Me demande pourquoi je tiens tant à ce bouquin et cette question m’agace. etc….
Il était incapable de comprendre ce qui comptait à mes yeux et ça ne changerait vraisemblablement jamais. »
Qu’en dites-vous ?
Je vous remercie pour votre réponse ! ça m’aide beaucoup !
J’en suis ravie !
Mercie vos explication sur les temps a utiliser m on beaucoup aide
je rédigerai une lettre de motivation en parlant mes meilleurs histoires d’enfance en 300 mots. Quel verbe j’utilise? je pense de conjuguer seulement à l’imparfait, aidez moi merci
C’est super Julie, je sentais dans ton texte une approche voir une sensibilité féminine et ça faisait tellement du bien de te lire.
Lorsque, dans les commentaires, j’ai vu que tu t’appelais Julie, je compris d’où venait cette sensibilité que j’ai toujours admiré chez la gente féminine.
Je dois t’avouer, que toute ma vie (et encore de nos jours) je me suis nourri de la vision des femmes pour enrichir ma vision de la vie, mon esprit, ma tendresse et mon humanisme, qui font de nous de vrais hommes…
Je t’embrasse très fort.
Eh bien merci pour ces compliments ! Ravie de susciter quelques émotions à travers mes articles…
Moi aussi ce mélange de temps me perturbe par moment.
Merci pour vos conseils
Je m’aperçois à la relecture de mon livre sur l’enfance, que je commence un chapitre au présent et d’un coup je passe à l’imparfait… Je me sens complètement perdue…. J’aurais bien besoin de votre aide. Merci