Défi "confinés inspirés"

Défi J2 : La liste de mes rires (4)

Du sourire au fou-rire, c’est si bon de rappeler à soi ce qui nous a tordu les joues et les abdominaux ! Tendre ou plein de larmes, ça fait tellement de bien d’esquisser un sourire… On essaie ?
Avec les textes de Monique et Saïda.

Mots d’enfants (Monique)

La première idée qui me vient ce sont quelques mots d’enfants qui me font gentiment sourire.

Souvenirs d’une soirée d’été passée à regarder le ciel étoilé avec notre petite-fille de 5 ans :
«  Papy, mamie, est-ce qu’il y des étoiles filles et des étoiles garçons? »
Et puis 
« Moi je crois qu’il y a plus d’étoiles chez nous que chez les voisins. »

Toujours en regardant le ciel. Pendant une récréation, un petit garçon observant le sillage d’un avion ayant dévié un peu de sa trajectoire à un moment donné m’interpelle :
« Regarde Monique, il a débordé. »


Les sauterelles des champs (Saïda)

Ma mère est prête. Nous sommes au garde à vous, nous les cinq enfants prêts à lui prêter main forte. Mon père à distance refuse de se joindre à nous. Les grands draps blancs sont posés sur une chaise dans le patio à ciel ouvert de notre maison. Cet espace nous servait de potager, de jardin, et même de poulailler ou encore pour y déposer le mouton avant de l’égorger pour la grande fête. C’était un lieu incontournable pour nous tous. Ah oui, j’oubliais… c’est de cette endroit que nous accédions à la terrasse, lieu pour moi de liberté…

Enfin, une grande ombre obscurcit cette cour intérieure pourtant balayée par un soleil éclatant sans aucun nuage à l’horizon. Nous étions prévenus de leur arrivée. Nous les attendions…

Elles sont là… elles envahissent entièrement notre espace vert, avec force, se cognant au mur, se délectant de ce qui poussaient dans notre jardin. C’est le moment de jeter nos toiles épaisses sur elles, les piégeant pendant leur régal.

La grosse marmite sur le charbon, remplie d’huile bouillante était prête à les accueillir. C’est le moment, elles sont repues et moins vivaces, étouffées sous les tissus. C’est le moment de les plonger encore vivantes dans ce liquide gras en effervescence pour les frire.

Ma mère sans aucun ménagement, les plonge  dans le contenant. On pouvait les voir se débattre un peu, avant qu’elles ne disparaissent à coup de louche, comme si elles pouvaient avoir une chance de s’en sortir.

J’étais là près d’elle avec mon écumoire que je tenais fermement avec mes deux mains. Une fois pleine, je la vidais dans un grand plat à rebord large. Nous répétâmes cet exercice jusqu’aux dernières bestioles encore animées, de la famille des Acrididaes, emprisonnées sous les épais tissus qui nous servaient en temps ordinaire de linge de lit. De temps en temps, je jetais un coup d’œil à mes frères qui en libéraient quelques-unes, les regardant virevolter, captivés par ce spectacle. C’est eux qui avaient en charge de ramener ces étoffes pleines de ces futurs mets condamnés à finir dans nos estomacs. 

C’était un plat à part entière, croustillant et savoureux. Au moment de passer à table, mon père, resté à distance jusque-là, quittait la maison en claquant la porte, sidéré par cette vision de sa propre famille, prenant plaisir à déguster ces sauterelles.

La réflexion que mon papa a formulée à cet instant précis, me fait toujours sourire aujourd’hui, à chaque fois que je me remémore ce souvenir : « Je ne mangerai jamais ni escargots ni sauterelles. Bientôt vous vous mettrez à avaler des vers de terre et des limaces. Je ne cautionne pas, alors je pars et je reviendrai lorsque vous aurez retrouvé vos esprits… ».

Je n’avais que neuf ans lors de cet épisode de vie unique, et nous vivions au Maroc, pays d’origine de ma mère.

J’ai choisi cette histoire car elle pose la question des différences culturelles et de la mixité. Rentrer ou pas dans le monde de l’autre, respecter ou pas l’univers d’autrui…


6 Comment

  1. Est-ce qu’il y a des étoiles filles et des étoiles garçons ? Merci Monique , le sourire est sur mes lèvres….
    Merci Julie de nous permettre de rester ensemble…
    Prenez tous soin de vous et des autres…

    1. C’est un plaisir Saïda, de construire ensemble cette petite cabane d’écriture pour s’y abriter le temps que les nuages passent…

      1. Merci à toi Julie pour cette belle initiative. Structurer son quotidien est primordial pour garder le moral et tu y contribues chère Julie. je prends plaisir à lire les histoires de chacun et de chacune. Ce fut un plaisir de lire l’histoire des anguilles récalcitrantes…

  2. « Sous les étoiles », merci à Monique pour ce joli moment de poésie

    Merci Saïda pour la recette des sauterelles grillées, j’ai adoré

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