Défi "confinés inspirés"

Défi J3 : En mode logo rallye (4/4)

Suite et fin des textes issus du logo rallye !
Michèle, Alain, Saïda et Pierre ont joué le jeu.
Chacun dans son inspiration du moment…

Photo : Fotografierend

La directrice d’école (Michèle)

Cette histoire se déroule à un moment où la tuberculose était un véritable fléau national.
Les campagnes sanitaires étaient lancées quotidiennement sous la cinquième République pour interdire les crachats au sol et dans les lieux publics.

Nous sommes en hiver. Malgré l’heure tardive le grand hall de l’école est encore allumé. La cloche résonne. Il est onze heure trente. Nous nous dépêchons. Comme un rituel, les enfants marchent très vite pour rejoindre, toujours en groupe, deux par deux, la sortie ; ou alors comme moi, pour rejoindre la longue file d’attente qui a commencé à se former pour aller à la cantine, toutes classes confondues.
C’est un moment un peu dissipé. On parle, quelquefois un peu fort, on se bouscule, on fait des grimaces quand la voisine plus timide, le visage impassible, vous ignore, les yeux tournés vers la cour de récréation.
On a toutes des blouses très colorées et surtout très différentes les unes des autres. Le niveau social se dévoile par les blouses portées par les écolières. On le sait. Certaines ricanent méchamment sur la couleur ou l’usure du vêtement jusqu’à faire pleurer la petite fille ciblée dans la longue file d’attente pour se rendre au réfectoire.
L’agitation excessive à cette heure fait souvent sortir la directrice d’école de son bureau. Le silence, comme par enchantement, revient. La directrice alors, arpente la longue file d’élèves. On sait par son regard qu’elle va choisir sa proie. Les yeux sont rivés au sol mais certains enfants hypnotisés par son regard, la peur au ventre, se sont soudainement statufiés.
La directrice donne alors l’ordre d’avancer plus vite sur un ton sec et sans appel. Puis, soudain, se retourne et attrape par les cheveux une élève et la gifle. Ici, on ne crache pas sur le sol, c’est compris ? Les yeux furibonds, la directrice retourne dans son bureau, traînant par l’oreille une forme gigotante et hurlante.


On joue ! (Alain)

J’ai ricané alors elle m’a giflé. Ce n’est pas ma faute si, à travers ce léger tissu, l’éclairage de la lampedévoilé certaines parties d’elle. Pourtant j’étais comme hypnotisé. J’aurais dû écouter mon professeur qui m’avait bien dit : « Contrôle mieux tes émotions »


Un amour impossible (Saïda)

Eva est une jeune fille discrète et introvertie.
Elle se sent différente des autres adolescentes qui ne pensent qu’à jouer et à déjouer les règles imposées, et à s’amouracher de pubères, tout juste sortis de l’enfance. Aujourd’hui elle se sent envahie par une grande tristesse. Elle fait une halte chez le libraire de son quartier, qui a coutume de lui prêter des « RAHAN » car elle n’a pas les moyens de les acheter. « Je reviens dans cinq minutes », est-il écrit sur son shop. Peu importe, elle va l’attendre.
Elle s’assied sur une pierre et ses larmes se mettent à couler. Eva est en classe de troisième. A partir de l’année prochaine, elle ne verra plus son professeur d’EPS, qui la suit dans cette discipline depuis son entrée en sixième. Elle n’oubliera jamais cette première rencontre avec lui, les tests d’aptitudes physiques, son intégration dans l’équipe d’athlétisme, ses encouragements jusqu’à ce qu’elle atteigne la marche la plus haute du podium, et plus encore… Il est présent aussi pour qu’elle ne baisse jamais les bras dans les matières théoriques, dans lesquelles elle n’excelle pas, juste la moyenne. Elle se rappelle du jour où elle s’était évanouie lors d’un repas familial, et comme par magie, son professeur de sport lui était apparu dans le ciel au milieu des étoiles, et au loin sa mère qui la secouait : « Dis-moi qui est ce Richard dont tu prononces le nom, honte à toi », et la gifle qui s’ensuivit, et les ricanements de ses frères.

Le libraire la sort de ses rêves. Elle se lève brusquement, oublie pourquoi elle est là. Eva sait où trouver ce Richard. Il faut qu’elle lui dévoile son amour.
Elle se précipite à son club de tennis. Il est sur le point de partir. Elle le fixe de son regard, déterminée à lui parler. Il s’approche d’elle, à une distance indécente, où leurs souffles s’entremêlèrent. Il lui prend le visage entre ses deux mains, en mélangeant son regard au sien, avec une intensité qui provoque une tension palpable entre eux, et autour d’eux. Il est sans équivoque troublé, et elle, comme hypnotisée, s’accrochant au fil tendu entre leurs regards. Il finit par l’embrasser sur le front, met son casque et démarre sa moto, comme s’il était poursuivi par un danger imminent. 

Eva savait qu’elle ne pouvait ni vivre avec lui, ni vivre sans lui. Il avait quarante-cinq ans, elle en avait quinze. A chaque fois qu’elle pensait à lui, elle allumait la lampe de son chevet, et l’invitait à la rejoindre dans ses rêves les plus fous.


Un devoir pendant l’étude du soir (Pierre)

Pour moi c’était il y a longtemps, au temps du pensionnat.
Le soir nous allions faire nos devoirs dans une grande salle lugubre mais qui était tout-à-fait propice au recueillement… On l’appelait l’étude. 

Penché sous la lampe qui vacille et éclaire faiblement mon devoir, je trace les quelques lignes de ma version latine contenant les trop nombreux contresens que je n’arrive pas à corriger.
Je grogne et me tortille sur la chaise qui grince sans arrêt sur le parquet. 
Le professeur ou I’espèce de pion qui surveille l’étude est sévère et du genre soupçonneux, un pète-sec qui ne me plaît pas du tout. ll a des lunettes rondes cerclées de fer et un béret sur le front. ll me donne I’impression d’un véritable croque-mort… ll doit bien sentir que je le déteste.
Attiré par le bruit de la chaise il vient se planter devant mon pupitre et me dévisage longuement. Je le regarde sans baisser les yeux, presque hypnotisé par le personnage. Je ne veux pas non plus donner l’impression de capituler. 
ll me demande montrer mon devoir. Alors dans une attitude provocatrice et quelque peu imbécile je refuse de le lui dévoiler.
Là il a trouvé le meilleur prétexte qu’il cherchait. ll paraît heureux de me coller une énorme gifle qui retentit très fort dans la salle silencieuse. Quand il s éloigne enfin, je ne peux m’empêcher de ricaner et de rentrer toute ma rage contenue…

4 Comment

  1. votre récit Michèle et votre histoire Pierre me touchent et font écho…
    J’ai adoré Alain ton petit texte espiègle ou tout est dit en mode court…
    Merci à vous

  2. Quelle force dans vos textes ! Si bien décrite cette époque de la toute puissance des professeurs…
    Oui, moi aussi j’ai beaucoup aimé la malice du texte d’Alain !
    Merci tout simplement.

  3. oui très bien écrit le temps ou les professeurs s’en donnait à coeur joie. Pierre tu l’as eu cette gifle ?
    mignon aussi le petit poème malicieux.
    Margaux

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