Défi "confinés inspirés"

Défi J6 : Racontez-moi des salades ! (3/3)

Avant d’aller piquer un petit somme, jetons encore un oeil aux expressions qui nous accompagnent au quotidien…
Bon gré, mal gré… avec les textes de Christian, Michel, Saïda et Pierre !

Photo : Karolina Grabowska

(Christian)

Ce matin je me lève « dès patron-jaquet ». Aïe, il fait un vent « à décorner les boeufs ». Les boeufs, les boeufs, par les temps qui courent, il n’y a pas trop de danger. C’est pas ce qui va m’empêcher d’aller faire ma petite sortie autorisée, mais bien sûr muni de mon attestation, le Corona rôde. La maréchaussée aussi. Je la vois, je me mets « à courir ventre à terre », elle ne pourra pas me rattraper. (Là je brode, car pas de problème, je suis en règle !)

J’arrive chez la boulangère, elle n’est décidément pas souriante, avec sa tête de « porte de prison ». Je passe ma commande, je prends du pain d’hier, des économies « de bout de ficelle » peut-être ; remarquez que pour du pain la ficelle c’est bienvenu. 
– Et avec ceci ?
– Ce sera suffisant car au jour d’aujourd’hui on ne mange pas beaucoup de pain. 
–  Tout à fait.    

Ah qu’il est loin le temps où, enfant, j’allais faire les courses chez Philomène…
Le pain, « Tout chaud, tout bouillant sortant du c… du marchand »… !

Je peux maintenant rentrer chez moi. Je ne rencontre personne. Ah si, l’autre « que je ne peux pas voir en peinture », « avec sa langue de vipère », « menteur comme un arracheur de dents ». Je lui fais malgré tout un signe de tête, même si, à l’occasion, « je ne prends pas de gants » pour lui dire ce que je pense. 
Et je poursuis ma route « en chantant sans rien dire ».


Tout n’est pas poésie et je déteste l’expression :
« quand on veut, on peut ». (Michel)

Syllogisme implicite : si je n’ai pas de rolex à 50 ans ou tout autre attribut de réussite sociale, c’est que je ne l’ai pas voulue suffisamment pour pouvoir l’avoir et donc dans ce cas je ne peux que m’en prendre qu’à moi-même : en clair je suis le fautif. 

Au cas particulier je dois avouer que cela me va bien (comme une fleur à la bétonnière), par choix, par goût … ou par provocation ; peu importe mais s’il est une expression que je déteste c’est bien celle-là : « quand on veut, on peut ». 

Etrange cette expression ! Miracle d’une pensée positive qui nie les réalités socio culturelles !
Je déteste cette expression qui m’irrite à vomir parce que un « rendu » vaut mieux que deux tu l’auras … (Vous suivez toujours ? à défaut vous pouvez prendre les notes et ne retenir que l’air du temps ou du refrain).

On la dit issue d’un proverbe détourné qui serait  « quand on veut ce qu’on peut, quand on le veut vraiment, on le fait ». Etonnant que désormais on associe sans douter un instant de l’intérêt pervers et de leurs limites : vouloir et pourvoir ! Mais quand on sait que nous devons cette cynique association à l’un des grands chefs de guerre français (Napoléon 1er), l’association s’avère moins surprenante parce qu’elle renvoie la culpabilité de l’échec sur la personne concernée et non sur l’environnement social et culturel ; elle disculpe le collectif et de facto les systèmes éducatifs… Elle fait le bonheur de l’ordre et des pouvoirs établis qui se protègent et qui peuvent dormir sur leurs deux oreilles et contre leurs murs (… et qui n’ont pas d’oreilles, contrairement à la rumeur séculaire qui circule) qui divisent, grand comme des remparts (tiens un paradoxe !).
Pour parfaire sa citation, Napoléon ajoutait même « si je peux , je le fais »; il déclarait que « les médiocres font de leur mieux , les autres réussissent ». Au service d’un ordre social ? 

Etonnant que cette expression occulte un élément indispensable pour faire le lien entre vouloir et pouvoir  : le savoir. Ainsi le raccourci entre volonté et pouvoir culpabilise la personne concernée et jugée en échec ; dès lors cette personne n’a d’autre solution que rester à sa place, à son rang, dans sa caste… puisqu’il n’est pas capable, il rejoint le bus des « loosers ». Ce sont là les dégâts d’une pensée positive. 

Enfin, étonnant que cette expression fasse fi de la liberté et ainsi des fractures sociales, d’éventuelles insuffisances éducatives, des inhibitions culturelles. A-t-on la liberté de vouloir ?
– quand je veux arrêter de fumer alors que mon corps réclame sa dose d’addictive ?
– quand un gouvernement lutte contre la pauvreté ? Serait-il convenable en démocratie qu’il déclare le contraire?

En réalité, je crois que « c’est lorsque je peux que je veux ». C’est un peu comme « l’espoir qui me fait espérer vivre », alors qu’on nous jette au visage une expression que je déteste tout autant « c’est l’espoir qui fait vivre »… Mais c’est là une autre histoire…


Encore… (Saïda)

«  Qu’est-ce que tu as encore fait ? », me rétorque encore ma mère.

Je retourne dans ma coquille et deviens muette pour le restant de la journée. C’est le « encore » qui me blesse. Pourquoi faire des efforts puisque le « encore » me rappelle que je ne change pas aux yeux de l’être qui m’est le plus cher, du haut de mes sept ans ?
Cet adverbe de six lettres m’enferme dans une forme de fatalité qui fige mon action vers un possible meilleur. Je le vois comme une encre noire indélébile, qui s’engouffre dans tous les sillons de mon corps, allant jusqu’à rendre floue la vision de mon esprit et de mon âme.

Encore aujourd’hui, lorsque ce terme est introduit dans une phrase de reproche, il provoque encore chez moi le même sentiment d’injustice et la même réponse :
Je suis blessée et je rentre dans ma coquille pour le restant de la journée… encore une fois, comme une fatalité sans fin…


(Pierre)

Parmi les expressions que j’utilise encore volontiers aujourd’hui, il y a :

  » Frais comme un gardon « 
Quand le matin je suis en pleine forme après avoir pris la douche. Et que je me prépare à faire un travail de jardinage, une balade au bord de mer ou écrire.

–  » J’ai les boules ou les chocottes « 
Au moment d’une contrariété, d’une réflexion, d’une colère ou d’une peur c’est la phrase qui me vient spontanément aux lèvres.

–  » Quand les poules auront des dents « 
J’ai gardé cette expression de mes grands-parents que je trouvais marrante quand j’étais petit. A l’époque j’avais même essayé d’ouvrir le bec d’un volatile pour vérifier le manque de denture.

  » Donner sa langue au chat « 
Encore une expression de jeunesse quand je ne pouvais pas répondre à une devinette ou une énigme. Je ne connaissais pas le résultat après avoir cherché longtemps. Je capitulais en donnant ma langue chat.

–  » Donner de la confiture aux cochons »
J’ai toujours aimé cette expression de Maman. Elle me lançait ces mots d’un air dépité pour montrer que je ne savais pas apprécier à son juste prix le vêtement, le cadeau, le gâteau, le bon plat. Quand je faisais une moue ou une grimace.

1 Comment

  1. Je prend plaisir à vous lire tous les jours. Mon coup de cœur aujourd’hui est pour toi Michel aujourd’hui. Prenez soin de vous

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