paquet de lettres ficelées
L'atelier d'écriture

« Avant l’internet » : lettre vs mail

Camille adore écrire. Elle s’est inscrite à l’atelier d’écriture autobiographique mais je devine qu’elle raconte bien d’autres histoires que la sienne. Je connais sa faculté à sonder son for intérieur, à décrire la magie de certains lieux et moments, à tisser des dialogues. Lorsque j’ai demandé aux participants ce qu’internet avait changé dans leur vie, Camille a évoqué la correspondance qu’elle entretient depuis longtemps avec ses proches…

(photo : Suzy Hazelwood)

 » Alors que je parcours le monde, mon bonheur est d’entrer en contact avec ma famille et mes amis. Étape par étape, nous tissons une correspondance. Il y a chaque fois comme une promesse dans les mots que nous traçons. « 

Sur papier ou sur ordinateur, échanger des lettres

 » Avant sur une feuille de papier, puis vers les années 2000 sur la feuille Word de l’écran de mon ordinateur… Quel que soit le support, au début, nous tirons précautionneusement sur chaque bout du fil jusqu’à ce que, rassurés, nous pressentions que le brin n’est pas rompu. Alors nous déroulons la pelote, faisons des boucles, entrelaçons nos mots, les retrouvons, nous faufilant entre eux. Si avant les écrits voyageaient d’un stylo à l’autre, ils traversent maintenant les océans d’un ordinateur à l’autre, se croisent, se lisent un instant, s’effacent, repartent dans l’autre sens. Un instant. Fragile boucle de la présence. « 

Et entre les mots… l’attente.

 » Avant, c’était celle de l’enveloppe à mon nom que le messager retirerait de sa sacoche comme un magicien. Une main qui agitait la courrier, un sourire bienveillant accompagnant le geste. Mes doigts impatients saisissaient la missive, mes lèvres esquivaient un remerciement reconnaissant. Le messager repartait heureux d’avoir fait plaisir et moi je m’isolais pour décacheter, fébrile, le papier scellé. « 

Pile de lettres
La correspondance, un trésor…
Photo : Ylanite Koppens

L’écriture révélait un peu de l’expéditeur…

Je dépliais la feuille et découvrais les mots, nos mots, lieux de nos coïncidences. Des mots inclinés ou droits, espacés ou collés-serrés, arrondis ou anguleux. Des mots en encre bleue ou noire. Parfois violette. Des lettres bâtonnées, franches et allongées. Des « G » qui n’étaient pas fermés. Des écritures rapides et souples ou encoure lourdes et plongeantes. A travers sa calligraphie, je devinais l’humeur de mon correspondant. 

écrire une lettre à la main
L’écriture manuscrite recèle une émotion

La lettre, comme un talisman dans la poche

Je dégustais chaque mot, laissais la lettre pliée en quatre dans ma poche comme un talisman qui m’accompagnerait dans mes déplacements. Puis, je la déployais moult fois, n’importe quand, n’importe où, dans un train, un bus, un taxi brousse… Je finissais par connaître par cœur chaque mot, chaque phrase. Et je me délectais de ces instants intimes. Car entre deux courriers, le temps se suspendait, s’étirait au rythme de l’acheminement de ma réponse et du retour. Un long temps porteur d’espoir, d’inquiétude parfois, qu’il fallait amadouer et apprendre à respecter.

En un « clic », le mail enjambe la distance qui nous sépare

Maintenant, nous nous donnons rendez-vous sur l’écran bleuté d’un terminal. Une petite sonnerie annonce l’arrivée du mail. Avant d’ouvrir le courriel, le nom s’affiche. Je choisis d’ouvrir ou pas. J’ouvre de suite ou remets à plus tard. Pas d’affolement, la réponse sera rapide, de l’ordre de quelques minutes malgré la distance ! Pas besoin de connaître l’heure de la dernière levée de la boite aux lettres. Je sais que nos mots feront toujours des ponts pour nous rencontrer… d’un clic ! Depuis mon ordinateur, ils enjambent le vide du monde qui nous entoure, fusent et viennent résonner sur l’écran du destinataire. 


Le mail transporte des phrases plus courtes, plus spontanées, plus directes

Le rythme de nos mails induit le rythme de nos mots, le rythme de nos phrases, le rythme de nos émotions. Mais aussi, un va et vient de notre souffle au gré de l’inspiration. Il suffit de se laisser aller, puis de cliquer sur « envoyer ». La réponse arrive dans la boite de réception, amorce le dialogue dans l’espace virtuel. Les phrases sont plus courtes, spontanées, directes. Parfois se résument à un seul mot, comme « oui » ou « non »… Parfois même ils raccourcissent et jouent avec la phonétique « t’m ». Les doigts deviennent alors des virtuoses du pianotage informatique et je me demande même s’ils ne précèdent pas de temps en temps la pensée ! 

Il me faut avouer que longtemps, j’ai résisté…

J’avais décrété que dans ma vie quotidienne je n’aurais pas de téléphone portable, pas de télé et pas d’ordinateur ! Me sentir libre, quoi ! Enfin, c’est ce que je disais… Et puis, écrire à la main, ne pas avoir de nouvelles des amis parce qu’ils ne vont plus à la Poste, avoir l’air stupide quand on parle d’un reportage extraordinaire vu à la télé… Bref, je me suis précipitée au magasin et maintenant suis addict aux trois… Comme tout le monde ! Bonjour les mails et les SMS ! 

Un problème toutefois… Avant je savais bien écrire.

Un jour, j’ai eu un téléphone portable : é depui il c produi kelk choz 2 bizar !« 

Le mail, vainqueur par K.O…

Camille a également écrit ce texte, vous vous rappelez ?

Et vous, écrivez-vos encore des lettres, des cartes ? Ou bien avez-vous cédé à la tentation du tout mail et du tout SMS ?

La correspondance vous intéresse ? Sur le site deslettres.fr, on trouve de nombreuses perles épistolaires.

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