Poursuivons notre série de témoignages sur vos souvenirs de Mai 68! Aujourd’hui, Franck nous raconte son expérience de jeune appelé…
(photo: Michel Baron)
« Je faisais mon service militaire à Epinal. La compagnie a dû abréger un stage commando dans les Vosges pour rentrer d’urgence à la caserne.
A Paris, la situation s’aggravait, le régiment était consigné en alerte. L’encadrement, des militaires de carrière, était partant pour aller « bouffer » du gréviste et de l’étudiant…
Mais aucun des appelés n’était prêt à tirer sur des civils, voire peut-être nos amis ou notre famille ! Les gradés nous ont expliqué qu’il ne s’agissait que de maintien de l’ordre et que nous ne tirerions pas les premiers ! (Sous-entendu : ce n’était pas exclu !)
Tous les gars du contingent avaient la peur au ventre de partir en guerre et peut-être de ne pas en revenir. Le jour du départ, les signes d’adieu, derrière les bâches des camions, en disaient long sur leurs inquiétudes.
Le régiment est finalement parti, sauf moi (à cause d’une légère blessure) et quelques autres.
Nous n’avions aucun regret de rester à la caserne… La cicatrice à mon arcade sourcilière n’était pas refermée ; j’ai remercié le médecin de m’avoir exempté…
En fait de maintien de l’ordre, le régiment a ramassé les poubelles des Parisiens pendant trois semaines ! Tous les appelés étaient bien contents de n’avoir pas été obligés de combattre les grévistes. »