« Ce qui est dur, c’est de faire le tri parmi tous les souvenirs qui remontent » me confiait D. l’autre jour. Alors qu’au démarrage on se demande ce qu’on va bien pouvoir raconter, le fait de se pencher sur son passé fait déferler des vagues, que dis-je, des tsunamis de souvenirs ! Bien sûr, ils sont tous plus ou moins liés entre eux. Pour ne pas passer le reste de ses jours à les retranscrire, mais aussi pour conserver toute l’attention de son lecteur, il est important d’opérer une sélection. Alors, on fait comment ?
Le souvenir, par définition, est inoubliable. Si vous avez une mémoire d’éléphant, ce que je vous souhaite, il va falloir hiérarchiser… Lesquels consigner dans votre livre ? Sur lesquels aura-t-on intérêt à se pencher plus sérieusement ?
Pour écrire ses mémoires, on peut privilégier…
1/ Les souvenirs « déclencheurs »
Il s’agit des événements qui ont eu une influence forte sur le cours des choses et sur la tournure qu’a prise votre vie.
Par exemple : la rencontre avec un personnage qui a suscité une vocation en vous ; un examen raté qui vous a fermé des portes ; une maladie ou celle d’un proche qui vous a donné une force supplémentaire ; un lieu que vous aimiez tant que vous avez ensuite cherché à le retrouver ; le rapport conflictuel ou passionnel avec un proche qui a conditionné certaines de vos relations par la suite…
Vos souvenirs déclencheurs sont relativement faciles à identifier, surtout avec le recul. Ils sont essentiels car ils tracent le fil rouge de votre existence. Ils permettent en outre au lecteur de déceler ce qui n’était pas « dû au hasard ».
2/ Les souvenirs « signifiants »
Certaines anecdotes nous marquent parce qu’elles sont symptomatiques de ce qui se passait. Elles résument ce qu’on vivait à cette période, ou encore la relation qu’on entretenait avec une personne.
Vous vous souvenez peut-être de dizaines de moments qui se sont répétés avec la même tonalité.
Par exemple : la complicité que vous entreteniez avec un aîné ; des moments où vous vous sentiez mal à l’aise face à un supérieur autoritaire ; des conflits conjugaux qui connaissaient toujours la même issue…
Dans ce cas, pour une même idée, vous pouvez sélectionner deux ou trois anecdotes qui vous semblent les plus représentatives. Celles qui illustrent le mieux votre état d’esprit, ou la personne que vous décrivez. Une ou deux évocations suffiront au lecteur pour comprendre votre message. (Je vous en parlais dans cet article : trois choses que votre lecteur attend de vous !)
D’ailleurs, imaginons que vous vouliez évoquer un lieu de vacances où vous vous sentiez incroyablement bien. Un lieu où vous retourniez chaque année : vous vous contenterez de décrire une seule fois cet endroit et le bonheur qu’il vous procurait, non ?
3/ Les souvenirs « sensoriels »
Votre madeleine de Proust à vous, c’est quoi ? Les souvenirs sensoriels sont extrêmement puissants. Pour qu’une odeur nous marque tellement fort que 50 ans après, on se souvienne encore du parfum de sa grand-mère, ou de la puanteur d’un lieu (combien de fois en atelier ai-je entendu parler des toilettes et du Crésyl…), c’est qu’elle mérite d’être évoquée !
Il en va de même avec la voix d’un disparu dont l’intonation tinte encore à nos oreilles, ou de la chaleur ressentie en caressant le chien de la maison…
Cette empreinte vaut vraiment la peine d’être racontée si vous parvenez encore à en éprouver la sensation. Elle incarne la force du vivant, la poésie des petites choses. Et prouve que malgré la fugacité des sensations, tout ne disparait pas…
4/ Sans oublier les souvenirs agréables…
Vous aurez toujours entièrement raison de parler et de reparler d’une personne que vous aimez, de revenir sur un événement qui vous a procuré un plaisir insensé, ou de partager une anecdote qui vous fait rire, aujourd’hui encore, lorsque vous y repensez.
C’est vous qui écrivez et il faut que vous passiez un bon moment !
5/… et les souvenirs intenses
Plaisir ou douleur, béatitude ou désespoir… Qu’est-ce qui vous a littéralement transporté(e), au cours de votre vie ? Même si ces expériences (et leur contexte) peuvent s’avérer difficiles à décrire, elles sont sans doute suffisamment rares pour mériter une place dans votre récit de vie.
Et on peut mettre de côté…
1/ Les souvenirs imprécis
En relatant un épisode, vous réalisez que vous ne savez plus vraiment qui était là, à quel moment cela s’est passé, etc. ? Alors il faut examiner l’épisode de plus près : est-ce indispensable ? Est-ce que ce passage est nécessaire à faire progresser mon récit ? Souvent, ce n’est pas le cas ! Donc on zappe.
NB : Les souvenirs d’enfance et de petite enfance sont souvent plus flous — à vous de voir ce qu’ils apportent au récit et au lecteur.
2/ Les souvenirs ennuyeux
Vous souhaitiez raconter votre remise des diplômes mais finissez par trouver la rédaction longue et barbante ? Passez à autre chose ! Car il y a de fortes chances pour que votre lecteur s’ennuie également en le lisant…
Aussi, ne tentez pas à tout prix de coller à la chronologie, d’être exhaustif quant au déroulement des faits. Encore une fois, faites confiance à l’intelligence de votre lecteur qui supportera très bien certaines ellipses. Ou bien résumez l’événement en une ligne, aussi factuelle que possible, si vous considérez que c’est nécessaire pour comprendre la suite.
Vous avez besoin de faire le ménage dans vos souvenirs pour les écrire ?
3 trucs pour vous aider en cas de doute
- Racontez ceux dont vous vous souvenez avec précision. Ceux que la mémoire de votre corps a si bien emmagasinés que vous en ressentez encore les effets, des années après.
- Mettez-vous à la place de votre lecteur : racontez ce qui présente de l’intérêt, ce qui fait progresser l’histoire et l’éclaire (comme dans un bon roman !), ce qui lui donne de la saveur et communique des émotions.
- Acceptez de n’avoir pas toujours le beau rôle dans votre histoire ! Ne sélectionnez pas uniquement les souvenirs qui vous présenteront sous votre meilleur jour… Ce n’est pas réaliste ! Et la biographie se doit de dire la vérité, vous le savez bien…
Rappel : si vous avez besoin de « recadrer » les choses, téléchargez gratuitement mon guide « les 10 commandements pour réussir son autobiographie » (le guide pratique gratuit pour écrire sa biographie), et posez des bases solides pour rédiger votre livre !
Et vous, est-ce le trop plein ou le manque de souvenirs qui vous gêne ?