Défi "confinés inspirés"

Défi J15 : La Chose (3/3)

Parce qu’il a une valeur sentimentale, ou qu’il rend d’immenses services, cet objet-là fait partie de notre paysage !
Prenez tout le reste, mais laissez-moi mon…
Avec les textes d’Adeline, Pierre et Joëlle.

Photo : Life of pix


(Adeline)

Je ne sais pas si cet objet peut être qualifié de banal…
Il n’est pas des plus communs. 
La première fois que je l’ai vu, il me semblait futile.
Vétuste, il polluait le salon de notre appartement. 

Depuis quand cette affreuse machine a été assignée à résidence ? Ses origines restent encore obscures. Personne n’a trouvé des traces de son arrivée.
J’essaie parfois d’imaginer l’identité de ces personnes qui se sont dit un jour : « tiens, mais oui ! Il nous faut ABSOLUMENT un vélo d’appartement ! ».
A cette phrase, il faudrait y ajouter « alors qu’ici, il ne pleut que 80 jours par an ». Précisons, le « ici » désigne Rome. 

Ces derniers mois notre vie en communauté à trois a été ponctuée par des intenses débats à propos de l’avenir de cet être à deux pattes : le placard ou la benne à ordures.
Toutefois, notre incapacité à prendre des décisions nous a enfin souri.
Le confinement est arrivé. J’ai bien dû me rendre à l’évidence, j’avais tort. Avec notre quarantaine imposée, à laquelle s’est additionnée entre-temps l’interdiction d’exercer toute activité sportive en plein air, cet objet « che fa schifo« , cette mécanique immobile qui pique les yeux, m’a sauvée.

Elle ne dérange plus, elle a de l’allure. Oui, elle, ou plutôt, il.
Je vais bien parvenir à le nommer, il mérite de retrouver ses notes de noblesse. Ce vélo est devenu mon compagnon de tous les jours. Je savoure les gouttes de transpiration qui en ressortent, les courbatures qui tiraillent mes cuisses.
Une source qui m’assure un sentiment de plénitude. Il est devenu mon essentiel du moment. 


Le talisman (Pierre)

Je l’ai connu dès le plus jeune âge quand je suis entré au cours préparatoire.

Dans notre précieux cartable, avec le cahier quadrillé et le grand buvard, il faisait partie du plumier en bois tout décoré où j’avais placé la gomme et les crayons…

Ce porte-plume magique avait une plume fixée au bout. On le trempait dans un petit encrier amovible encastré tout en haut du pupitre rempli chaque matin par l’appariteur ou le préposé de l’entretien.

Combien de fois ai-je dû recommencer ma page d’écriture à cause des gros pâtés provoqués par un trop-plein d’encre sur la plume ! Je préférais accuser mon talisman plutôt que de me mettre en cause.

Les années passant, j’ai alors adopté un porte-plume avec des plumes amovibles, les célèbres sergent-major dont on faisait un petit stock de précaution. Elles permettaient de réaliser des beaux pleins et déliés. Nous avions aussi à disposition des flacons d’encre Waterman de couleurs différentes. 

Un peu plus tard sont apparus les stylos qui avaient un réservoir d’encre permettant une autonomie dans l’écriture. Nous étions des ados heureux et fiers de faire partie aussi d’un nouveau monde. 

La technologie a inventé le stylo à bille. 
Sans manifester le moindre remord pour mon talisman et plutôt comme un mouton de Panurge, j’ai suivi la mode. Pendant toute la durée de la vie active et comme la plupart d’entre nous, j’ai eu recours au stylo-bille et autres feutres qui permettaient de gagner toujours du temps. Ces nouveaux ustensiles étaient désormais à profusion dans les supermarchés et non plus dans les seules papèteries.

La retraite et cette bienheureuse remise en cause
La fin de la vie active m’a permis de disposer et d’organiser tout le nouveau temps libre. Avec grand plaisir j’ai retrouvé l’écriture de mon nouveau porte-plume, serré entre le pouce et l’index. Sans lui j’ai toujours l’impression de manquer quelque chose de très important. C’est une sorte de grigri ou un porte-bonheur. J’en dispose même un de la même marque dans chacune des pièces de la maison. Avec un stock de cartouches noires adéquates…


La Chose (Joëlle)

Elle a au moins cinquante ans
A trouvé refuge chez moi depuis vingt ans

Au début, mon père, Gérard, lui a fait une petite beauté
Le bois peint couleur rouge basque,
Le métal couleur vert bouteille
Sur le dossier, le prénom « Laura » dessiné en noir

C’est un objet qu’a utilisé ma fille pendant des années
C’est une petite chaise d’écolier, toute mignonne, rigolote
Laura adorait sa chaise, à sa taille, personnalisée !

Laura a grandi, elle est partie et la chaise fut orpheline…
Cette chaise est précieuse pour moi, elle relie trois générations :
Mon père, ma fille et moi !

Mais un jour, elle reprit vie, trouva sa place dans le salon.
Confortablement installée dans mon canapé, je lis « Rouge Brésil »
les jambes allongées sur la petite chaise d’écolier…

Peut-être qu’un jour une quatrième génération viendra en prendre possession ?

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